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excellens rapports entretenus par nos officiers et par nos soldats avec leurs vaillans frères d’armes de la jeune armée de l’Empire du Soleil Levant.

Dès la première heure, une vive sympathie s’établit entre Français et Japonais, en souvenir, sans doute, des excellentes relations qui avaient existé entre les deux nations à l’époque peu éloignée où la France, dans tout l’éclat du prestige que lui avait créé son passé glorieux, avait encore le privilège de représenter, aux yeux de l’étranger, le génie de la science militaire joint à la noblesse des sentimens et à la grandeur des idées, et où l’exemple de ses hauts faits s’imposait à l’admiration d’un jeune peuple avide de gloire et de liberté, aspirant à jouer dans l’histoire du monde un rôle plus conforme à ses aptitudes et aux destinées auxquelles il se sentait appelé. Ce sont, en effet, des officiers français qui, il y a quelque trente ans, ont été les premiers instructeurs de l’armée japonaise, à laquelle ils inculquèrent les principes de l’art de vaincre, et, à entendre les sonneries de leurs clairons reproduisant quelques-unes de nos vieilles marches d’Afrique, on croirait qu’un peu de l’âme guerrière de la France a passé dans le cœur de ces intrépides soldats[1]. Un certain nombre d’officiers japonais, parmi les plus distingués, sont d’anciens élèves de notre École de Saint-Cyr et de notre Ecole de guerre, et four le plus grand honneur aux chefs sous les ordres desquels ils ont commencé leur éducation militaire.

Dans ces conditions, les marques de sympathie ne tardèrent pas à se multiplier de part et d’autre. Au nombre des mesures dont le corps expéditionnaire français fut, en cette circonstance, redevable au gouvernement japonais, il en est une pour laquelle notre pays gardera à la nation japonaise la plus vive gratitude. Dès que nos hôpitaux de Tien-Tsin et les infirmeries des

  1. C’est seulement en 1867 que le gouvernement japonais fît appel, pour la première fois, à une mission européenne pour donner aux cadres de son armée une instruction militaire moderne et aussi pour procéder, de concert avec cette. mission, à l’élaboration de toutes les lois et des règlemens concernant l’organisation générale de l’armée et de la marine japonaises : recrutement, division du territoire en circonscriptions régionales, création des Ecoles militaires, etc.
    Cette mission, dirigée par le capitaine Chanoine, se composa uniquement d’officiers français : elle rentra bientôt en France, laissant son œuvre à peine ébauchée. En 1872, une nouvelle mission militaire française, commandée par le colonel Munier, fut de nouveau appelée au Japon. Elle y resta huit ans et fut la véritable créatrice de l’armée japonaise. Elle fut ensuite remplacée par une mission allemande.