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Marseille, un mouvement analogue emporte les classes ouvrières. Le nombre des sociétés, malgré les entraves législatives et administratives, progresse bon an mal an. De 1808 à 1821, 124 sociétés se créent à Paris. En 1822, la Société philanthropique y compte 132 sociétés adhérentes comprenant 10 350 ouvriers réunis en communauté d’épargne et de prévoyance. A Marseille, il y a 34 sociétés en 1820. De 1830 à 1848, 72 sociétés se fondent à Lyon. A Paris, on en compte 234 en 1842, 256 en 1844, 262 en 1845, 341 en 1851. Partout il s’en établit, mais beaucoup disparaissent faute de ressources, par mauvaise administration ou imprévoyance, ou pour avoir embrassé un nombre et une diversité d’objets auxquels il est impossible de suffire.

Il y avait aussi, dans l’opinion publique, la crainte des sociétés secrètes qui portait à confondre parfois celles-ci avec les sociétés de secours mutuels. On redoutait dans toute association un élément de coalition et de grève, et ce sentiment avait bien quelque fondement. Sous prétexte de secours mutuels, plusieurs sociétés, vers le milieu du siècle, se consacrèrent en effet presque exclusivement à la résistance ouvrière et à la défense des intérêts professionnels[1]. Tels les chapeliers-fouleurs de Paris en 1817, les Mutuellistes de Lyon, dont le mouvement pour l’abaissement des tarifs aboutit aux insurrections de 1831 et 1834. Une autre société secrète fut la Société typographique de Paris, qui établit, en 1843, un premier tarif des travaux typographiques et compta 1 200 membres. Les fondeurs en caractères et les imprimeurs en papiers peints créèrent également des caisses secrètes de résistance. En réalité, la grève et la coalition semblaient entrer dans les principales préoccupations de plusieurs associations mutualistes.

En 1848, la question des sociétés de secours mutuels, comme toutes les questions ouvrières, fut mise à l’ordre du jour. La liberté de réunion et d’association, décrétée par l’Assemblée nationale, était favorable à leur développement. Le 15 juillet 1850, fut votée une loi par laquelle les sociétés de secours mutuels purent être reconnues comme établissemens d’utilité publique, à la condition de ne pas inscrire dans leurs statuts des-secours en cas de chômage, afin de ne pas favoriser

  1. Syndicats ouvriers, Fédérations, Bourses du travail, par Léon de Seilhac ; 1 vol. 1902.