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part, M. Le Cour Grandmaison, examinant la question dans ses conséquences, pouvait dire : « Partout où il (le mouvement corporatif) est sorti de la phase chaotique, il constitue le plus insurmontable obstacle aux progrès du collectivisme et de la révolution cosmopolite ; à tous ces points de vue, il mérite d’appeler l’attention de ceux qui se préoccupent des dangers de la société moderne. Il donne les solutions les plus pratiques pour l’organisation de l’assistance mutuelle, pour la régularisation de l’offre et de la demande, pour la réglementation du travail et autres problèmes qui intéressent à juste titre les générations actuelles[1]. »

La question de la nécessité d’une organisation professionnelle a fini, dans ces dernières années, par réunir des hommes venant de tous les pôles politiques. Le syndicat, en vertu de la récente législation, en est aujourd’hui la forme ; mais doit-on le concevoir comme un groupement accidentel ou permanent de travailleurs réunis dans l’unique dessein de faire triompher des revendications concernant les questions de salaire et de travail ? C’est le tort de beaucoup de personnes de s’imaginer que telle est la seule raison d’être du syndicat, alors que l’article 6 de la loi du 21 mars 1884 contient le paragraphe suivant : « Ils (les syndicats professionnels) pourront, sans autorisation, mais en se conformant aux autres dispositions de la loi, constituer entre leurs membres des caisses spéciales de secours mutuels et de retraites. » D’autre part, l’article 40 de la loi du 1er avril 1898 sur les sociétés de secours mutuels est ainsi conçu : « Les syndicats professionnels constitués légalement aux termes de la loi du 21 mars 1884, qui ont prévu dans leurs statuts les secours mutuels entre leurs membres adhérens, bénéficièrent des avantages de la présente loi, à la condition de se conformer à ses prescriptions. » — Nous ne faisons en somme que demander l’application, aussi étendue que possible, de mesures déjà prévues par la loi, mais encore insuffisamment généralisées Concevoir en effet le syndicat professionnel sans institution de prévoyance, c’est imaginer un corps sans âme. Le syndicat de l’avenir, l’association professionnelle, telle que nous la comprenons, c’est avant tout un organe de représentation du métier, mais c’est encore mieux qu’un instrument de défense économique ; c’est

  1. Le mouvement corporatif en Europe : Revue du 15 février 1900.