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à deux jours seulement ; à l’expiration de ce délai, l’officier de police devait être saisi.

Au milieu des violences et du sang, il n’y avait plus de lois. Quand elles reparurent, le Consulat leur demanda le droit d’arrêter et de détenir pendant dix jours les individus coupables de conspiration contre l’État (art. 46 de la Constitution de l’an VIII). Deux ans plus tard, le Premier Consul, jugeant le délai insuffisant, décida que le maintien en prison peut être illimité et chargea le Sénat de fixer, par des décisions spéciales, la durée de la détention (art. 55 du Sénatus-consulte organique du 15 thermidor an X). À l’avènement de l’Empire, la protection de la liberté individuelle est solennellement confiée au Sénat, auquel pourra s’adresser tout individu se plaignant de sa détention (Sénatus-consulte du 28 floréal an XIII). Étrange ironie, à l’heure où allaient s’élever huit prisons d’État !

Ni la faculté des dix jours, ni la complaisance du Sénat ne suffisaient à l’omnipotence impériale. Dès les premières délibérations du Code d’instruction criminelle, nous voyons naître la pensée de mêler les préfets à l’administration de la justice. Au sein du Conseil d’État, Cambacérès, Treilhard, l’Empereur lui-même, parlaient à tout propos de la séparation des pouvoirs : ce principe, invoqué sans cesse afin de protéger l’administration contre l’immixtion de l’autorité judiciaire, était méconnu quand il fallait protéger le juge contre l’ingérence des préfets. L’article 10 avait tous les mérites : il donnait à la puissance administrative l’initiative de l’action judiciaire ; l’investissait d’une concurrence de juridiction ; et, sous cette apparence régulière, qui semblait la rattacher à une hiérarchie, il ménageait tous les moyens d’exécuter, sur toute l’étendue du territoire, sans se soucier des procureurs généraux, les ordres du ministère de la Police.

Avec la chute de l’Empire, commença le déclin du pouvoir préfectoral. L’avènement du gouvernement constitutionnel, l’adoucissement progressif des mœurs, le rapprochement des distances, les désordres publics de plus en plus rares avaient peu à peu changé le caractère du préfet : représentant du gouvernement, il administrait du fond de son cabinet et ne conservait de ses qualités militantes que ce qu’il fallait pour descendre de temps à autre dans l’arène électorale. Mais le péril des lois arbitraires est de ne pouvoir se laisser oublier : l’arme était en réserve ; il suffisait qu’elle fût prête à servir pour que, sur l’ordre du mi-