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détacher de Rome. Les nonces avaient pour eux, le peuple, grands-pères et grand’mères de cette plèbe catholique qui plus d’une fois, au cours du XIXe siècle, contraindra le haut clergé d’Allemagne à tenir compte des indications et des volontés de Rome, et qui, par un étrange renversement des choses, aura parfois à maintenir ses pasteurs dans le bercail de l’Unité, et les y maintiendra. En face des électeurs ecclésiastiques, qui s’isolaient volontiers derrière l’étiquette de leur souveraineté, les nonces descendaient dans les campagnes, porteurs des dons de l’Esprit. Bellinsoni, prédécesseur de Pacca, s’arrêtant dans une ville de l’archidiocèse de Cologne, y confirmait onze mille personnes, dont le prince-électeur ne s’était jamais soucié. Pacca, dans la seule petite ville d’Arenberg, administrait le même sacrement, en quelques jours, à seize mille chrétiens, parmi lesquels il y avait des octogénaires : ils arrivaient en procession, précédés de leurs curés, suivis de leurs chariots remplis de vivres, réclamant le sacrement que l’archevêque avait toujours négligé de leur conférer ; et quelques curés disaient à Pacca que, s’ils avaient été avertis de son passage, ils lui auraient amené plus de trente mille fidèles. Pour ces longs cortèges de brebis délaissées, le messager des grâces spirituelles était l’envoyé du Pape. Le fébronianisme, ensuite, pouvait revendiquer un superflu de droits pour des électeurs ecclésiastiques qui ignoraient même le strict de leurs devoirs : c’était tant pis pour eux si, au moment même où ils redoutaient pour leur juridiction la concurrence des nonces, ils abandonnaient aux nonces la besogne épiscopale par excellence, celle d’apôtres.

« D’Erthal, électeur de Mayence, se souvenait quelquefois d’être évêque, écrit en un endroit le cardinal Pacca ; c’était lorsqu’il trouvait l’occasion d’inquiéter le Pape et d’attaquer le Saint-Siège. » Les traits de ce genre fourmillent, dans les Mémoires de Pacca. Ils ressuscitent, sous nos yeux stupéfaits, cette cour archiépiscopale de Mayence, somptueuse sans art et frivole sans grâce, lourde imitation des splendeurs de la Renaissance italienne. Un romancier cynique, Heynse, y représentait la littérature ; le naturaliste Forster, qui professait qu’après un premier acte de foi il n’y avait nulle raison de s’arrêter, et en concluait qu’il ne fallait pas croire à quoi que ce fût, représentait la science ; le caprice d’une favorite, enfin, représentait la raison d’État ; et lorsqu’un trait de plume archiépiscopal eut supprimé