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négligés par les représentans de la Grande-Bretagne au dehors ! Elles ont chacune de très grandes prétentions dans les régions du globe qui les a voisinent, voudraient y appliquer leur petite doctrine de Monroe, et, lorsque la métropole, mieux au courant qu’elles de ce que permet ou défend la situation du monde, se refuse à servir leurs visées, elles se considèrent comme injustement sacrifiées par la politique égoïste de l’Angleterre. Ainsi Terre-Neuve voudrait voir expulser les Français du French Shore ; ainsi l’Australie et la Nouvelle-Zélande ne comprennent pas qu’on n’annexe point les Nouvelles-Hébrides, qu’on ait laissé les Allemands s’établir en Nouvelle-Guinée, qu’on ait partagé les Samoa avec les Allemands et les Américains.

Serait-il plus facile aux colonies de réaliser leurs visées, si elles étaient indépendantes ? Voilà qui est fort douteux. Mais leur ignorance des choses de l’Europe et de celles de la guerre, la superbe confiance qu’elles ont en elles-mêmes les empêchent de voir les périls de l’indépendance. Elles s’exagèrent, au contraire, leurs maux présens, les moindres entraves à leur liberté d’allures.

A mesure qu’elles grandissent, ces entraves leur semblent de plus en plus gênantes et la protection navale de la métropole leur paraît de moins en moins une compensation adéquate. De là est né chez elles le désir de participer plus effectivement à la direction politique de l’Empire pour obliger le gouvernement impérial à mieux tenir compte de leurs intérêts. De là aussi l’idée d’obtenir de la métropole de nouveaux avantages qui contrebalancent plus exactement les sacrifices d’autonomie que l’union avec la Grande-Bretagne leur imposera toujours. Et ces nouveaux avantages, quels peuvent-ils être, si ce n’est la concession de privilèges douaniers qui assureraient aux colonies une place favorisée sur le marché de la mère patrie ?

Voilà le grand desideratum de l’impérialisme colonial. De même que les industriels anglais rencontrent aujourd’hui, dans le monde entier, des concurrens étrangers et qu’un certain nombre d’entre eux se verraient accorder avec plaisir un traitement de faveur aux colonies, de même les agriculteurs de ces colonies, qui ont toujours eu, qui ont plus que jamais aujourd’hui à lutter partout contre ceux des États-Unis, de l’Argentine et d’ailleurs, désirent depuis longtemps que la métropole leur accorde quelque protection. Les privilèges que l’Angleterre donnerait ainsi aux colonies seraient même bien plus avantageux pour