devant le second. Le raisonnement des coloniaux ne paraît pas si faible que le prétendent leurs contradicteurs.
Le serait-il, d’ailleurs, il n’en resterait pas moins qu’ils font ce raisonnement, qu’ils se croient lésés, et c’est là ce qui est grave. En tout ce qui tient profondément au cœur des peuples comme des hommes, il ne suffit pas de savoir si leurs droits où leurs intérêts sont atteints, il faut surtout savoir s’ils les croient atteints. Ce n’est pas tel fait en lui-même qui détermine leurs sentimens et leurs actes, c’est l’opinion, vraie ou fausse, qu’ils s’en font. Quand les coloniaux auraient cent fois tort de croire leurs libertés menacées par les combinaisons navales, militaires, ou autres, de l’impérialisme, c’est assez qu’ils le croient, pour qu’ils conçoivent contre elles autant d’hostilité que si elles portaient réellement atteinte à leurs franchises.
Une question se pose maintenant : si les colonies sont si jalouses de n’être pas taxées sans être représentées, pourquoi donc n’acceptent-elles pas cette institution d’un Conseil impérial que M. Chamberlain leur a proposée en 1897 et en 1902 ? La réponse est simple. Toutes les manifestations de l’opinion coloniale que nous avons passées en revue, à la conférence comme au dehors, montrent qu’elles craignent par-dessus tout la moindre restriction de leur autonomie. Elles ne veulent pas qu’une autorité extérieure, quelle qu’elle soit, se fasse directement ou indirectement sentir chez elles. Or, dans tout conseil fédéral, chaque colonie serait en faible minorité, si même elles n’y étaient toutes ensemble, car elles n’ont, réunies, que 11 millions d’habitans, tandis que les Iles britanniques en ont quarante et un. Consultatif au début, si l’on veut, le Conseil fédéral ne le resterait pas éternellement, tout le monde l’admet. Il pourrait donc arriver, il arriverait nécessairement quelquefois que la majorité vote, contre l’avis d’une colonie, des mesures qui auraient un contrecoup, peut-être considérable, sur les affaires intérieures de cette colonie. Or, c’est cela que les colonies ne veulent pas. Intervention de la métropole seule ou intervention de tout le reste de l’Empire, c’est toujours une intervention extérieure, et elles n’entendent pas en subir.
Elles savent que, dans toute fédération qui dure, le pouvoir fédéral tend à se développer au détriment des pouvoirs locaux. Elles savent que la distinction des affaires d’intérêt commun, dévolues au gouvernement fédéral, et des affaires intérieures de