des coropiastes lointains d’Athènes ou de Myrrhina. Et nous voici, par un merveilleux détour de la perpétuelle histoire du monde, revenus aux « jours du Vase, » prédécesseurs du « Dieu, » en attendant de nouveau « l’Homme. »
Le sentiment raffiné, amoureux, un peu sensuel, du féminin, spécialise la France, comme jadis l’Attique, dans la hiérarchie symbolique des arts. Au XVIIIe siècle, en ce Paris léger, souriant et vainqueur, oublieuse des trop lointaines déesses à la fois et des trop tristes chrétiennes, la femme, de nouveau dévêtue par les artistes, semble vraiment avoir une nudité nouvelle. Car la France, seule alors, connaît encore l’ivoire et le velours des rondes poitrines. La fragile pendule de Falconet a son prototype quelque part en Grèce, sous terre, ou dans la mémoire des hommes. Impudiques, potelées et rieuses, les Grâces antiques se sont faites toutes petites pour entrer dans l’alcôve des duchesses poudrées ; et, blanches comme elles, elles sont en esclavage sous l’heure moderne, et n’en paraissent ni étonnées, ni honteuses. Là, une fois encore, l’esprit, vainqueur de la lettre, a tout sauvé ! Un peu plus tard, mais après quelle secousse des êtres, des idées et des choses, la gloire aussi ressuscitera, pour un jour, l’âme de la pierre. Un chef-d’œuvre presque antique ajoutera à cette histoire presque surhumaine le poids de la matière durable et la splendeur du rythme éternel. Et, pour symboliser la Révolution, promenée parmi les nations étonnées par l’Empereur fatidique, et baptisée du sang de l’Europe, Rude fera jaillir, du bloc de pierre attaché à l’énorme massif de l’Arc de Triomphe, la toute-puissante coureuse, qui hurlera, par-dessus nos plaisirs, nos espérances ou nos ruines, le chant du monde nouveau, la « Marseillaise » échevelée des peuples. Il n’y a pas d’œuvre, entre cette figure et ses sœurs brisées de l’antique Parthénon, assez haute pour les séparer. Ce jour-là, Rude et Phidias se donnèrent la main par-dessus le silence des siècles.
Depuis lors, la gloire et le génie ont quelquefois manqué, ce qui n’a pas empêché les sculpteurs sans nombre de continuer à sculpter sans pitié. Quelles nécropoles d’inutiles blancheurs il nous faut traverser, d’exposition en exposition, pour rencontrer quelques « œuvres, » pour toucher des êtres ! Que d’efforts sans but, que de métier sans art ! Où sont les ouvriers ? où sont les artistes ? Du moins aux plus sincères, aux plus grands, — il y en