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Pourtant l’heure présente est douce sous ce toit.
Humble et vieille maison rustique ! De ma chambre,
Au-delà d’un fertile herbage, on aperçoit
La forêt dans un fin brouillard d’azur et d’ambre.

Le soleil soucieux se couche en ce moment,
La fraîcheur et la paix du jardin sont plus grandes,
Je vois le long du buis cheminer lentement
Le jardinier qui verse à boire aux plates-bandes.

Le jour baisse. La brise agite mon rideau,
Et, tandis que je suis des yeux sur le parterre
L’arrosoir qui répand sa chevelure d’eau,
Mon âme à son murmure égal se désaltère.

J’écoute, pied furtif, sur les chemins sablés,
Rôder mon épagneul en peine de son maître,
Une servante passe, avec un bruit de clefs,
Et son ombre remplit un instant ma fenêtre.

C’est un des soirs pensifs du déclin de l’été,
Je songe. Un livre ouvert sur ma table frissonne,
Et je respire avec des pleurs de volupté
L’air dont l’odeur trahit l’approche de l’automne.

Bientôt les écoliers qui savent l’heure où luit
La lampe coutumière à ma tâche muette,
Attirés comme un vol de papillons de nuit,
Heurteront brusquement aux vitres du poète.

Alors, levant soudain le front, je leur crierai :
« Enfans, ne troublez pas mon rêve ; têtes folles,
Fuyez ; que mon travail, amis, vous soit sacré ! »
Mais tous au loin déjà riront de mes paroles.

Et moi, dans mon labeur profond me replongeant,
Ramené par ces jeux aux jours du plus bel âge,
Je laisserai mourir dans mon cœur indulgent
Les dernières clameurs de la troupe volage.