trouvait être une Assomption (aujourd’hui à Londres), qui, de l’opinion à peu près unanime de la critique moderne, serait l’œuvre d’un autre peintre, le médiocre Francesco Botticini. Au commencement du XVIIe siècle, lorsque le grand-duc Ferdinand Ier dressait une liste des peintres anciens dont les œuvres ne devaient pas sortir de Florence, il n’avait pas même l’idée d’y inclure Botticelli. Au XVIIIe siècle, l’excellent critique florentin Lanzi, assidu, lui aussi, à célébrer jusqu’aux plus-insignifians de ses compatriotes, ne trouvait à citer de maître Sandro que ses fresques de la Sixtine, et l’Assomption de Botticini. Et ce n’est pas que les peintures aujourd’hui les plus glorieuses de Botticelli aient échappé aux regards de ces connaisseurs d’autrefois : elles étaient exposées, comme elles In sont encore, dans les palais et églises de Florence ; mais personne ne songeait à les y remarquer. Durant les trois premiers quarts du XIXe siècle, enfin, les travaux de l’histoire et de la critique avaient remis en lumière le nom et l’œuvre du vieux maître ; et Botticelli avait repris sa place dans l’estime publique, entre Ghirlandajo et Filippino Lippi, comme l’un des principaux représentans de la peinture florentine de la Renaissance.
Or voici que, brusquement, aux environs de 1870, une véritable révolution se produisit dans le classement et l’appréciation de ces maîtres florentins. S’élevant d’un seul coup non seulement au-dessus des Ghirlandajo et des Filippino, mais de Fra Bartolommeo, d’Andréa del Sarto, et bientôt de Raphaël lui-même, Botticelli devint brusquement le plus grand peintre de Florence et de l’Italie tout entière. C’est lui seul, aujourd’hui, que l’on recherche et que l’on adore au Musée des Offices. Les photographies de ses tableaux se vendent, à elles seules, plus que celles de tous les autres tableaux de Florence ; et la petite salle qui contient sa Naissance de Vénus voit arriver, chaque matin, un troupeau de pèlerins des quatre coins du monde, infiniment plus recueillis et plus extasiés que ceux qui, à Dresde, se prosternent depuis un siècle devant la Madone Sixtine. Comme le dit très justement M. Streeter, son nouveau biographe, « on peut affirmer sans exagération que, à l’heure présente, aucun autre artiste italien n’inspire autant d’intérêt que Botticelli. » Pas une revue d’art qui ne s’occupe de lui : sans compter une vingtaine au moins de critiques qui paraissent s’être exclusivement voués à l’étude de son œuvre. Et comme, à peu près vers le même temps, un changement de la mode a transporté sur les « primitifs » la sympathie de tout dilettante un peu délicat, on en est même arrivé, par une extraordinaire confusion d’idées et de dates, à incarner couramment la peinture « primitive »