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Compagnie du Saint-Sacrement se défendra avant tout d’être une association extérieure au monde telle que sont ou doivent être les congrégations monastiques. D’ecclésiastiques, elle n’admettra que ceux qui sont « répandus dans le monde, » mêlés à la « vie commune. » C’est surtout, en somme, parmi les laïques qu’elle se recrutera ; ce sont eux qui, tout en laissant aux prêtres la primauté d’honneur, se réserveront le principal de la direction et le réel de l’action[1].

Et ces laïques, on les prendra partout, dans toutes les classes, au moins dans les classes dirigeantes de la société, dans tous les « emplois. » On ne leur demandera pas, comme en ces confréries où les hommes du monde viennent exprès pour dépouiller l’homme du monde, d’oublier leur situation temporelle, mais, au contraire, de s’en souvenir et de s’en servir : la Compagnie, pour son grand dessein, a besoin d’ouvriers variés, et elle utilisera, chacun « selon son pouvoir et sa condition, » ces confrères dont le premier « exercice » spirituel, tous les matins, doit être « de se demander quel moyen ils ont, dans leurs œuvres » ordinaires et professionnelles, « de procurer la gloire de Dieu[2]. » Bientôt même, qui plus est, on décide que, dans cette armée toute mondaine, si l’on peut dire, les religieux ne doivent pas même être reçus ; qu’ils y nuiraient non seulement parce que, comme nous l’avons vu, la règle les empêcherait de jurer à la Compagnie l’indispensable secret, mais aussi parce que tout ordre monastique a son « esprit » spécial[3], sa destination propre, et qu’il s’attache de préférence à tel ou tel genre de bonnes œuvres. Il ne faut pas que des religieux introduits dans la Compagnie risquent, même à bonne intention, d’y faire

  1. Le Directeur (ecclésiastique le plus souvent) fait les prières au commencement et à la fin des assemblées ; c’est le Supérieur qui les prépare, les préside, les dirige, et qui, dans l’intervalle, agit avec les officiers. Voyez, sur ce judicieux emploi de tous les talens et de toutes les aptitudes, un mémoire de M. De Renty dans D’Argenson, édition Beauchet-Filleau, p. 273 (n° 6) : « Le Supérieur a besoin de prévoir plusieurs ordres de personnes pour les employer aux occasions : 1° celles qui ont le plus l’esprit de la Compagnie pour présenter leur advis dans les choses importantes qui la regardent ; 2° les personnes d’autorité et d’intelligence aux grandes affaires pour les leur adresser ; 3° les personnes riches, pour les dépenses aux grandes prisons et en autres lieux qui pourraient être à charge (aux autres) ; 4° les personnes spirituelles, pour consoler et fortifier les affligés ; 5° les personnes exactes, pour travailler aux affaires douteuses et difficiles ; 6° ceux qui sont propres et connaisseurs, pour acheter et négocier les choses nécessaires aux pauvresses lieux d’apprentissage pour les enfans, » etc.
  2. Statuts, ms. f° 62 v° ; D’Argenson, page. 193 et suivantes.
  3. Statuts, ms. F° 142 et suivans.