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Dans les prisons ordinaires, les Compagnies pénètrent aussi et agissent.

Celle de Paris, au lendemain de sa naissance, informe le procureur général « des désordres que causaient dans les prisons des femmes de mauvaise vie. » Elle fait établir des « grilles » pour les visiteurs. Elle obtient, — et cette délicatesse de compassion mérite d’être signalée dans un siècle peu sensible, — que les huissiers de la Tournelle n’aillent plus « lire l’arrêt aux condamnés à mort sans qu’ils aient auprès d’eux quelqu’un pour adoucir le coup. » En 1636, elle profite d’une occasion pour arracher à l’autorité « un règlement général » qui coupe court à toutes « les exactions d’argent des bas officiers de la justice. » A cet effet, non contente d’avoir mis en mouvement les maîtres des requêtes, le procureur général, le chancelier, elle fait le possible pour que l’exécution des réformes décrétées soit durable. En 1640, elle désigne trois particuliers pour visiter régulièrement chaque prison, recueillir les réclamations et les requêtes des détenus, solliciter pour les prévenus non encore jugés l’expédition de leurs affaires. Jusqu’en 1663, jusqu’à sa fin, malgré les obstacles qu’on ne manque pas à lui susciter, elle continuera d’assister, « tant en spirituel qu’en temporel[1], » la population des prisons.

Entre temps, elle avançait un dessein qui intéressait à la fois le régime pénitentiaire d’alors et l’assistance des indigens en liberté, — dessein dont, longtemps avant elle[2], on avait eu l’idée, mais qui, dès les premiers temps de son existence, l’occupa et ne cessa, vingt années durant, de l’occuper : — celui de créer un Hôpital général où seraient réunis, gardés et entretenus tous ces « pauvres mendians, » dont « la nation libertine et fainéante[3] » grouillait dans l’abomination de la Cour des Miracles au faubourg Saint-Marceau. Pour dissiper ou discipliner cette armée de la misère et du vice, les édits du Roi, les arrêts du Parlement, les ordonnances de police n’avaient rien fait[4]. Il

  1. D’Argenson, p. 223.
  2. Dareste de la Chavanne, Histoire de l’Administration monarchique, 1, 236. Un hôpital général fut fondé à Lyon en 1C14 (G. Picot, Hist. des États-Généraux, t. IV, 2e éd., p. 414).
  3. L’Hôpital général de Paris (1676), p. 2, dans Allier, p. 64.
  4. Sur les embarras du gouvernement à ce sujet, voyez les lettres de Marillac et de Mathieu Molé dans les Mémoires de ce dernier, édition Champollion-Figeac, t. I, p. 519.