Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 16.djvu/721

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la science historique. » Il eût été plus simple de dire qu’elle est l’intervention de la pathologie dans l’histoire ; et que, par exemple, l’histoire des maladies d’Henri IV ou de Louis XIV n’étant évidemment pas indifférente à la connaissance de leur tempérament, ne l’est donc pas non plus à celle de leur caractère. Le Journal de la santé du roi Louis XIV est un document de l’histoire du règne. Voici qui est plus grave. « Le but idéal de la pathologie historique, dit Brachet en un autre endroit, serait la reconstitution de la formule biologique (somatique et psychique) des représentative men de l’humanité. » C’est ce que s’étaient avant lui proposé Carlyle, Emerson ou Taine. Mais, si les mots ont un sens, et particulièrement les mots de la langue savante, pourquoi la reconstitution de cette formule biologique ne serait-elle que de la « Pathologie ? » Sommes-nous tous des malades ? La science de notre caractère n’est-elle que celle de nos tares ou de nos infirmités ? Les caractères pathologiques sont-ils les seuls qui s’héritent ? Notre histoire n’est-elle que celle de nos maladies et de nos remèdes ? C’est ce que paraît avoir cru l’auteur de la Pathologie mentale des rois de France, et n’est-ce pas comme si l’on disait qu’à peine avait-il posé la question, il a fait précisément ce qu’il fallait faire pour la rétrécir en la systématisant ?

Pourquoi d’ailleurs a-t-il choisi Louis XI, plutôt que Charles VII ou plutôt que Charles VIII ? S’il en a eu quelque raison valable, il aurait dû nous le dire, ou il faudrait que, sans le dire, on s’en aperçût dans son œuvre. Louis XI n’est ni une fin, ni un commencement dans l’histoire de sa race, ou seulement de sa branche : il n’est ni le premier, ni le dernier des Valois directs. En est-il pour Brachet le plus « représentatif ? » On ne le sait, et il ne l’a point dit. En revanche, il nous apprend que la dynastie des Mérovingiens n’ayant compté que neuf générations, celle des Carolingiens treize, et celle des Capétiens trente-une, de Robert le Fort au Comte de Chambord, la troisième offre donc à l’ « étude biologique » une matière plus abondante. On s’en doutait avant qu’il s’en fût avisé.

Ce que du moins il a montré, c’est le secours que l’histoire peut tirer des données de la « pathologie historique ; » et il en a développé, dans une longue Introduction, deux ou trois exemples tout à fait caractéristiques et amusans. On lit, dans le Journal d’un chroniqueur du temps de Louis XI, que, le samedi 14 novembre 1468, « furent prinses pour, le roy…, en la ville de Paris, toutes les pyes, jais, chouetes estans en cage ou autrement… pour les porter toutes devers le roy. Et estoit escript et enregistré le lieu où avoient été prins