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d’exemple à toutes les églises ! » Éloges dont l’authenticité et aussi la légitimité nous sont confirmées par maints historiens étrangers à l’Angleterre ; et personne n’en sera surpris si l’on songe que, dans nul autre pays, l’ordre de saint François n’a compté plus d’hommes éminens par l’éclat de leur vertu ou de leur savoir. Dans nul autre pays, l’ordre n’a plus fidèlement observé la règle franciscaine de la pauvreté. Lorsque, au XIVe siècle, Henri VIII supprima les ordres religieux et confisqua leurs biens, ses agens durent constater que, seuls, les frères mineurs ne possédaient rien qui valût d’être confisqué. Ceux de Bridgnorth ne vivaient que de la charité publique ; et encore n’en vivaient-ils pas très somptueusement, car on ne leur donnait guère plus de dix shellings par an. Ceux de Shrewsbury n’avaient qu’une maison en ruine, « trois ou quatre arpens de terre y attenant, un crucifix d’étain, et un calice sans valeur. » Ceux d’Aylesbury étaient « très pauvres et très endettés, avec des ornemens d’espèce grossière et le mobilier le plus misérable. » À Oxford, peu d’années auparavant, les pères « avaient eu à vendre leurs livres pour acheter du pain. » Et quant à ce qui est du mérite intellectuel, on sait qu’Alexandre de Haies, Adam de Marisco, Aymon de Faversham, Richard Middleton, Duns Scot, Occam, Roger Bacon et Thomas Bungay, tous ces grands franciscains sont venus de la province anglaise. C’est à des frères mendians qu’Oxford est redevable de deux de ses principaux « collèges, » Balliol et Merton. Et dès 1257, dans une plainte adressée au Pape contre les Franciscains, l’archevêque d’Armagh déclarait que, « arts, théologie, droit canon, voire médecine et droit civil, à peine si l’on pouvait encore trouver un bon livre sur le marché, tous les livres ayant été achetés par les frères mineurs. »


Ces traditions de science et de talent se conservent-elles, aujourd’hui encore, dans les communautés franciscaines d’outre-Manche ? On le croirait volontiers, à lire la très savante, très intelligente, et très belle préface que vient de publier un capucin anglais, le père Cuthbert, en tête de sa traduction de la chronique d’Eccleston : préface d’ailleurs plus longue que le vieux récit qui la suit, et, sinon plus importante, d’une portée plus générale et plus actuelle à la fois. Plutôt qu’une simple préface au livre d’Eccleston, c’est une étude d’ensemble sur les origines religieuses et morales de l’ordre de saint François, et appuyée sur une documentation si variée, et conçue dans un si évident esprit d’humilité chrétienne, et écrite en si bon style, toujours « simple et franc, » avec de vivantes images, que je ne puis