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des calvinistes puritains du XVIe siècle s’émoussait trop, chez leurs petits-enfans, au gré des pasteurs. Encore les pasteurs même n’étaient-ils point, pour la plupart[1], « des fanatiques extravagans en paroles ou en actes, » mais « des hommes judicieux, que caractérisait l’équilibre de l’esprit. » N’allant plus étudier à l’étranger, ils se formaient, dans les académies françaises, à un esprit plus doux que celui de Genève. C’étaient des pacifiques, comme Cameron à Montauban, Tilenus à Sedan, Amyraut à Saumur, Ferry à Metz, qui donnaient le ton à ce clergé nouveau[2].

Ainsi, aux environs de 1630, les protestans français, sujets soumis et citoyens tranquilles, désireux, ne fût-ce que par des raisons d’intérêt matériel, de rentrer dans l’unité morale de la nation comme dans le droit commun, ne donnaient, ce semble, aux « zélateurs » de la Compagnie du Saint-Sacrement aucun sujet d’inquiétude et d’animosité. Reste à nous demander si ce groupe de militans, en prenant contre les calvinistes l’offensive, obéit à quelqu’une de ces poussées d’opinion qui sont parfois la triste excuse du fanatisme.


II. — SENTIMENS DES CATHOLIQUES A L’ÉGARD DES PROTESTANS DE 1629 A 1636

Des partisans d’une croisade nouvelle contre les huguenots, il en restait assurément (et je l’ai rappelé) à la Cour. C’était cette « cabale » dont les travaux de MM. Houssaye, Fagniez, Hanotaux, ont achevé de mettre en lumière les menées ; ces « bigots espagnolisés[3], » — comme disent les pamphlets, — de qui « la haine » pour les protestans était telle « que, ne les pouvant souffrir, ils voulaient qu’on les forçât par une guerre de religion à se convertir ou à sortir du royaume[4] ; » — machiavéliques exaltés de qui la haine subtile était allée naguère (c’est Fontenay-Mareuil, un des membres de la Compagnie du Saint-Sacrement, qui nous le révèle) jusqu’à ne pas souhaiter la prise

  1. Baird, t. II, p. 383.
  2. Bonet-Maury, Histoire de la Tolérance, p. 25. Les ouvrages d’Amyraut, à cette époque, n’ont pour objet que des questions de haute philosophie chrétienne ou d’apologétique générale : ainsi le Traité de la Prédestination (1634), le Traité des religions contre ceux qui les estiment indifférentes.
  3. Le Miroir du temps passé à l’usage du présent, 1623, p. 35.
  4. Fontenay-Mareuil, Mémoires, collection Petitot, t. LI, p. 86-89