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grande importance, — de direction ou de suggestion tout au moins, — dans la persécution renouvelée vers 1640, reprise par à-coups de plus en plus fréquens de 1640 à 1661, suivie et grandissante jusqu’en 1685, c’est encore, je crois, l’ensemble de faits de l’histoire religieuse de la France de 1620 à 1640 que nous avons groupés dans le précédent article et dans celui-ci. Faits bien connus pour la plupart, mais dont le rapprochement est instructif.

Car il s’en dégage que, comme nous l’avons vu précédemment, la contre-réformation catholique n’était pas, tant s’en faut, réalisée, au moment où la Compagnie du Saint-Sacrement commença d’exister, et que c’est, apparemment, l’instigation active des Dévots qui la fit mettre décidément en train. Et il s’en dégage aussi, comme nous venons de le voir aujourd’hui, que, malgré des contradictions inévitables et des hésitations très intelligibles, il n’y avait point en France, dans le milieu du règne de Louis XIII, un « mouvement », ni concerté, ni spontané, contre les protestans. Au contraire, de la bonne volonté, — ou, si l’on veut, de l’absence de mauvaise volonté ; — de la collaboration inconsciente, ou de l’inaction indifférente, des classes dirigeantes, du gouvernement et même du clergé, un état de paix durable pouvait, et devait logiquement, résulter. Qu’il faille parler, alors, de tolérance vraie, — de cette tolérance qui est la franche et fraternelle reconnaissance de ce que Bayle appelait plus tard les « droits de la conscience errante, » — non sans doute, cela est bien entendu. Mais, à défaut de ce sentiment supérieur, par suite de motifs divers et concourans, — motifs d’idées, de sentimens, d’intérêts matériels surtout, — il y avait, à l’ombre de Richelieu, comme un éloignement général de l’intolérance passée, comme une tendance plus ou moins sentie, plus ou moins sincère, plus ou moins résignée, à l’apaisement religieux ; il y avait ce qu’Arnauld appelle assez joliment, et avec tristesse, un « état de négligence et de froideur, » cependant « favorable en soi à la félicité publique. »

Or, malgré cette réunion heureuse de conditions propres à l’établissement d’une paix religieuse durable, cette paix ne s’établit pas. Au contraire, — et cela, sans causes tangibles, ni dans les affaires intérieures, ni dans les affaires extérieures ; sans prétextes fournis par les réformés, dont le gouvernement, à plusieurs reprises, certifie et loue « la bonne conduite, » — le