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rapides, que, le 8 octobre, Mack est coupé de Vienne ; mais l’arrivée des Russes se confirme, et l’armée française court risque d’être prise entre deux feux. Napoléon se couvre du côté des Russes et pousse sur Mack. « Il ne s’agit pas de battre l’ennemi, il faut qu’il n’en échappe pas un... Cette journée doit être dix fois plus célèbre que celle de Marengo[1]. » Le 14 octobre, Ney bat les Autrichiens à Elchingen ; Ulm est investi.

Le 15 au soir, les nouvelles. en arrivèrent à Berlin. Le roi se sent troublé. Il retombe dans les perplexités ; il regrette la neutralité. Hardenberg, qui s’est trop avancé, qui a trop poussé à la guerre, se sent ébranlé. Lombard, le secrétaire intime du roi, qui a tâché, en vain, d’accommoder le différend, remonte en crédit. Haugwitz, qui passe pour l’homme de la paix, ou, tout au moins, de la neutralité, rentre en qualité d’adjoint au ministère des Affaires étrangères : il y aura désormais deux ministres, comme il y aura deux tendances : l’un, Haugwitz, pour la conciliation, l’autre, Hardenberg, pour la lutte ; l’un négociera avec Napoléon, l’autre avec Alexandre. Ce dédoublement du ministère sauvera les apparences de la duplicité. Metternich, qui confère avec Hardenberg, le 17 octobre, le trouve tout changé, atermoyant, parlant de médiation. — « Laquelle ? demande Metternich ; celle que nous avons proposée dans le sens du traité du 11 avril ? Le roi a donc l’air de vouloir être médiateur dans sa propre cause ? »

« Nous sommes déjà, pour ne pas nous faire d’illusion, sur un pied de guerre avec la France, » dit le roi à Lombard. Mais les ardens insistent : la Prusse assurerait la victoire des alliés ; en différant, elle se voue aux vengeances de Napoléon. S’ils désarment, ils se livrent, ils se déshonorent ! Ils dérivent ainsi vers la guerre, en soupirant, en détournant les yeux. Frédéric-Guillaume avait accordé le passage aux Russes, accepté l’entrevue avec Alexandre. Il voudrait maintenant retenir les Russes à la frontière, ajourner l’entrevue. Alexandre ne le permet pas. Au reçu de la lettre du roi, le 19 octobre, il lui répond : « Pardonnez, Sire, si je mets de côté toutes les formalités ; mais c’est mon cœur qui a besoin de vous parler... Sire, il lui est impossible de renoncer à la jouissance de vous exprimer de bouche ma reconnaissance... Je sens parfaitement toutes les raisons qui rendent votre présence à Berlin indispensable, et, pour concilier

  1. A Soult, 12 octobre 1805.