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il l’était, et des forces russes et de la politique de son maître, Dolgorouki ne dissimula rien : La réunion de la Belgique à la Hollande, sous un prince prussien ou anglais ; Gênes et la couronne de fer au roi de Sardaigne ; l’abandon de l’Italie et de la rive gauche du Rhin[1]. — « Quoi ! s’écria Napoléon, Bruxelles aussi ; mais nous sommes en Moravie, et vous seriez sur les hauteurs de Montmartre que vous n’obtiendriez pas Bruxelles. » Enfin, Dolgorouki lui offre de le laisser se retirer, sain et sauf, derrière le Danube, s’il promet d’évacuer Vienne et les États héréditaires. — « Eh bien ! nous nous battrons ! » répond Napoléon, et il lui donne congé.

Il avait tout disposé pour que Dolgorouki emportât de ce qu’il avait entrevu l’impression « de la réserve et de la timidité, » d’une « armée à la veille de sa perte. » — « Ce jeune trompette de l’Angleterre, ce polisson, a dû prendre, dit-il, mon extrême modération pour une marque de grande terreur, ce que je désirais... » Il écrivit à Talleyrand de s’adoucir avec les Autrichiens. « Je désire faire la paix promptement. Je ne serais pas éloigné de laisser Venise à l’électeur de Salzbourg et Salzbourg à la maison d’Autriche. Je prendrai tout Vérone, tout Legnano, avec 5 000 toises autour, et le fort de la Chiusa, pour le royaume d’Italie... Parme, Plaisance et Gênes nous resteraient... L’électorat de Bavière serait érigé en royaume ; on lui donnerait Angsbourg et Eichstadt, l’Ortenau et le Brisgau, la noblesse immédiate : le reste aux autres électeurs[2]. » C’était, en deux lignes, la fin de la révolution territoriale en Allemagne, le complément, prévu et désiré, des sécularisations. Il ajoutait : « J’ai eu une correspondance avec l’empereur de Russie ; tout ce qui en est resté, c’est que c’est un brave et digne homme, mais pas ses entours, qui sont vendus aux Anglais... Vous allez tomber à la renverse quand vous apprendrez que M. de Novossiltsof a proposé de réunir la Belgique à la Hollande... »

Puis, il compléta ses dispositions. Il accentua le mouvement de retraite ; il suivit les troupes, à pied, avec une précipitation apparente. Les soldats s’y trompèrent. « Ceci commence mal,

  1. L’évacuation de l’Allemagne du Nord ; le Piémont au roi de Sardaigne avec un arrondissement ; l’évacuation de l’Italie, restitution à la Prusse de la rive gauche du Rhin ; la Prusse étendue aux Pays-Bas, formant barrière avec la Hollande. Article II, article VII secret du traité du 11 avril 1805. — Bases de pacification du 11 avril 1805.
  2. A Talleyrand, 28 novembre 1805.