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terrain économique a débuté par une opération financière de premier ordre. Le chah avait besoin d’argent et cherchait un appui financier : comme garantie de l’emprunt qui allait être contracté, l’Angleterre demandait le contrôle immédiat des douanes. La Russie se montra de composition plus facile et se déclara prête à avancer les fonds sans cette garantie. Et c’est une banque russe à nom français, la Banque des Prêts, fondée en 1897, qui fit l’émission des 22 millions de roubles de l’emprunt persan. Sur les fonds de l’emprunt, les dettes contractées par la Perse envers l’Imperial bank anglaise ainsi que toute la dette publique de cet Etat furent remboursées et la Russie est devenue ainsi le seul créancier de la cour de Téhéran. Depuis, les emprunts ont succédé aux emprunts. On en connaît trois depuis trois ans et chacun égale à peu près le revenu annuel du chah. Jusqu’en 1912 la Perse s’est engagée à ne pas chercher de secours financier ailleurs qu’en Russie.

A la mainmise sur les finances, le gouvernement russe a ajouté la mainmise sur l’armée. En effet, en même temps qu’il subvenait aux besoins de la Perse, ce dernier s’est occupé d’assurer à la dynastie la sécurité, de maintenir l’ordre à l’intérieur, et dans cette vue lui a envoyé des instructeurs militaires. Ce sont des officiers russes au service du chah qui du milieu de la cohue des troupes persanes sans cohésion, ont fait surgir la magnifique brigade de la garde cosaque qui a permis au chah actuel de faire valoir facilement ses droits au trône après l’assassinat de Nasser Eddin et qui a sauvé, il y a trois ans, Téhéran et peut-être la dynastie pendant les émeutes provenant de la disette du pain. La brigade est commandée par un général russe au service du chah, et ce général correspond directement avec le ministre de la Guerre russe comme le directeur de la Banque des Prêts correspond avec le ministre des Finances du tsar.

En plus, les Russes ont eu recours, pour assurer le développement de leurs intérêts, à l’influence que donne la possession des routes et des chemins de fer. C’est ainsi qu’ils ont établi une route entre Recht et Téhéran dont ils ont laissé l’exploitation à une compagnie privée et le principal usage au chah lui-même ; ils se sont fait aussi concéder la construction d’une route de Tauris à Téhéran par Kazvin. Ils ont poussé en même temps les prolongemens des chemins de fer russes vers l’intérieur de la Perse. Ces chemins de fer abordent le territoire persan en deux