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à définir le genre d’exploitation que chacune désire se réserver ou qu’il soit procédé par elles, comme d’aucuns l’ont proposé, à une délimitation de sphères d’influence économique dans la Perse, l’Angleterre ayant un droit de priorité pour la construction de routes dans le sud, et la Russie conservant un droit de priorité dans le nord, l’une et l’autre solution peuvent intervenir sans que les intérêts de chacune soient lésés et sans que l’indépendance de la Perse et la liberté du commerce aient à en souffrir. Aucun obstacle qui ne puisse être surmonté ne s’oppose à une coopération amicale des deux puissances intéressées au développement économique de la Perse. D’ailleurs bien des situations certainement aussi délicates que la position respective de la Russie et de l’Angleterre dans le bassin Persique ont été dénouées au cours de ces dernières années grâce à la bonne volonté et à l’esprit de concessions mutuelles des nations. Le XIXe siècle, à son déclin, a été l’ère des compromis coloniaux, et l’on ne voit pas pourquoi un compromis n’interviendrait pas en la circonstance actuelle.

En se mettant d’accord, l’Angleterre et la Russie auront rendu un grand service au monde, non seulement en servant la cause de la paix, mais encore en aidant aux transactions internationales. La Perse est actuellement, en effet, un des pays les plus inabordables. Elle touche bien à deux mers, mais, à l’intérieur, les routes n’existent pas ou sont impraticables. Aussi est-elle isolée à peu près complètement au point de vue des communications internationales, et l’on a pu dire que tout l’espace compris entre Tauris et Bampour, entre Chouster et Méched disparaîtrait soudain, que le nombre des voyageurs entre l’Occident et l’Orient de l’Asie ne diminuerait pas d’un seul. Loin d’être l’intermédiaire des Indes et de l’Occident, la Perse est enfermée, pour ainsi dire, entre deux voies : au Nord, celle qu’ont ouverte les annexions russes à travers les steppes kirghises et turkmènes, et, au Sud, le chemin de la mer suivi par les paquebots côtiers. Le plateau de l’Iran est cependant le lieu de passage obligé des Indes en Europe par la voie terrestre. De la Perse occidentale divergent les grandes voies se dirigeant vers l’Égypte, l’Europe méridionale et la région du Nord. D’un côté, on peut descendre dans la vallée de l’Euphrate et par les côtes de Syrie pénétrer en Égypte ; de l’autre, on voit s’ouvrir à l’ouest les routes de l’Asie Mineure ou de l’Europe, ou bien encore on