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IV. — LE RÈGLEMENT DES QUESTIONS DE MASCATE ET DE KOWÉÏT

Mais, dans le règlement des questions se rattachant à l’hégémonie politique et économique du bassin persique, ce n’est point seulement sur la rive orientale du golfe que l’Angleterre doit tenir compte des intérêts des tiers ; elle ne peut non plus régler à elle seule et sans une entente préalable la question de la rive occidentale du golfe et de la région de l’Arabie y attenant. Si avancée que soit son œuvre de pénétration, elle ne peut y établir sa domination immédiate ou son protectorat officiel sans avoir égard aux droits qu’ont conservés ou aux intérêts qu’ont su créer et développer dans ces parages d’autres nations. A Mascate notamment, l’Angleterre n’est pas libre de restreindre la souveraineté externe du sultan sans le consentement de la France, La convention de 1862, par laquelle les deux pays s’engagent à respecter l’indépendance du sultan d’Oman et du sultan de Zanzibar, n’a pas été dénoncée ; l’instrument diplomatique est toujours en vigueur. Un incident récent est venu montrer combien, sur le terrain du droit international, cette convention nous mot en bonne posture. En 1899, un de nos agens ayant obtenu du sultan de l’Oman la cession à bail d’un dépôt de charbon à Bender-Isseh, localité située à cinq milles au sud du port de Mascate, lord Curzon, vice-roi des Indes, froissé de n’avoir pas été prévenu, crut devoir faire procéder à une démonstration navale contre le sultan. Voulant rappeler à ce dernier les obligations découlant pour lui de l’accord de 1891, qui le placent dans la nécessité de ne rien aliéner de son territoire sans le consentement de l’Angleterre, et aussi la position subordonnée dans laquelle le met la subvention de 40 000 couronnes du gouvernement de l’Inde, il donna l’ordre à l’escadre britannique de l’Océan Indien de venir s’embosser devant Mascate. Devant cette menace, le sultan d’Oman ne put que révoquer sa cession à bail, et dans un durbar solennel, il déclara à ses sujets faire acte d’obéissance aux injonctions du gouvernement de Calcutta. Mais l’initiative hardie de lord Curzon était peu soutenable, même au point de vue du droit et des accords consentis entre l’Angleterre et l’Oman en 1891, aux termes desquels le sultan de Mascate ne peut céder une portion de son territoire. La concession d’un établissement de charbon n’est pas, en effet, une cession de territoire.