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de sens pratique, qu’on met au compte des mandarins. En tout cas, c’était placer les malheureux Boxers en mauvaise posture en face des étrangers armés de fusils à tir rapide.

Il ne faut donc pas douter que cet instinct guerrier, que les législateurs se sont appliqué de tout temps à déraciner du cœur des Chinois, ne tarderait pas à se réveiller dans les masses si on faisait appel à ce sentiment en vue de la constitution d’une nombreuse armée chinoise. Il est même permis d’affirmer, d’après les documens qui ont été publiés sur ces questions, que les vice-rois ont toujours trouvé, — notamment quand ils s’adressaient, comme nous l’avons dit, à certaines provinces réputées encore aujourd’hui pour belliqueuses, — les élémens pour former autant de corps de volontaires qu’ils l’ont désiré. Dans la guerre sino-française, des compagnies, des bataillons venaient ainsi du Hou-Nan, entièrement constitués, cadres et soldats, pour se mettre à la disposition du commandant de l’armée de la frontière. En conséquence, sans compter les Mongols et les Mandchous, dont le goût naturel pour l’état militaire fait en quelque sorte de chaque individu un soldat, la Chine offrira toujours un réservoir inépuisable pour le recrutement volontaire de tous les hommes qui lui seraient nécessaires pour la constitution de ses armées. Sans avoir besoin de recourir au service obligatoire, la Chine a donc toujours possédé et trouvera encore, quand le besoin s’en fera sentir, pour l’organisation de ses armées nouvelles, le nombre. Mais d’autres l’ont dit avant nous : La Force, c’est-à-dire la Victoire, n’est que le résultat du nombre et de la valeur du nombre. Ce n’est donc point seulement de la quantité, aujourd’hui surtout, qu’il importe de se préoccuper quand il s’agit de créer des armées puissantes, que de la qualité, c’est-à-dire du bon recrutement et de la solide instruction professionnelle de leurs élémens : hommes de troupe, cadres subalternes, états-majors, haut commandement[1].

  1. Il y a encore un facteur dont il faut tenir grand compte dans un pays de l’étendue de la Chine, c’est le plus ou moins de facilité pour amener à pied d’œuvre, c’est-à-dire au point où on devra les utiliser, ces bons élémens d’armées ; avant longtemps un réseau de chemins de fer, dont les puissances se disputent les concessions, facilitera les concentrations de ces élémens en temps utile, et pourra empêcher dans une certaine mesure la répétition de ce qui s’est produit, en 1898, lors de la mainmise de l’Allemagne sur le Chang-Toung, quand les excellentes troupes du Kan-Sou ont tellement tardé qu’il a fallu faire la paix avant leur arrivée.