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plupart, lorsqu’ils sont détachés au service des Chinois, leur coiffure, leurs vêtemens, leur genre de vie, au point de pouvoir passer inaperçus des Européens non exercés à distinguer la différence des races.

D’autres réformateurs, et non des moins écoutés, s’élèvent contre un pareil choix. Ils déclarent qu’ils n’ont point oublié la traditionnelle haine qui divisa de tout temps Chinois et Japonais ; qu’ils ne s’abaisseront point à se placer sous la tutelle d’un peuple qu’ils ont toujours considéré presque comme un vassal de leur Empire et dont la supériorité au point de vue militaire n’est due qu’à des causes tout accidentelles et passagères. Ils ajoutent que ce n’est point auprès de nouveaux venus dans l’art de la guerre qu’il faut aller puiser, de seconde main pour ainsi dire, les élémens de cet art et, en général, les élémens de la science occidentale ; et que c’est à la source même, — aux écoles des puissances qui ont formé les Japonais, — qu’il convient de s’adresser.

Nous touchons, nous ne l’ignorons point, dans cette partie de notre étude, à plus d’un point délicat de cet ensemble de problèmes militaires, industriels et commerciaux qui constituent la question de l’Extrême-Orient. La question s’est posée le jour même où la Cour de Chine a déchaîné ce mouvement contre les étrangers dont la direction lui a un moment échappé et qui, comme un fleuve qui a rompu ses digues, a failli la submerger ; qui a fait courir à l’Empire lui-même les plus grands dangers ; et qui se manifestera, pendant longtemps encore, par des révoltes et des soubresauts successifs, sur les divers points du territoire où l’autorité du gouvernement central est insuffisamment établie. Aujourd’hui que la Chine est sortie, ou est près de sortir de cette aventure, meurtrie, il est vrai, mais non amoindrie comme territoire, ni en réalité, appauvrie, — car, on l’a dit avec raison, les ressources qu’elle peut tirer de son commerce et de l’exploitation de son sol sont infinies, — il ne saurait plus être question de ce partage brutal dont quelques diplomates avaient déjà escompté le bénéfice pour leurs puissances, comme si une nation de 400 millions d’habitans pouvait être coupée, absorbée, ainsi que les tranches d’un melon, pour employer l’expression imagée de Tcheng-Tchi-Tong ; et comme si les convulsions d’un pareil athlète eussent pu permettre aux envahisseurs, de longtemps et sans l’imposition de sacrifices considérables en hommes et en