d’aller chercher fortune ailleurs. Il est donc aisé de comprendre, en remontant ainsi à ses origines et à ses causes, l’enthousiasme avec lequel le tiers-état de Savoie avait salué l’éclatant triomphe des idées de 1789 et comment il communiquait ses propres sentimens aux classes rurales sur presque toute l’étendue de la province.
En 1790, cet enthousiasme se manifestait de toutes parts, surexcitait les esprits. A la faveur des influences françaises qui s’exerçaient parmi les Savoyards, grâce à leur voisinage avec les départemens de l’Isère et de l’Ain, il déterminait çà et là des commencemens d’émeute ou engendrait des écrits séditieux. La souffrance publique en était le prétexte ; ils révélaient en réalité la force du parti nouveau que séduisait la perspective d’une annexion à la France.
Que ce parti comptât des appuis à Paris, qu’il reçût de là son mot d’ordre et que même le gouvernement français ait envoyé des émissaires en Savoie pour fomenter et accélérer le mouvement, cela n’est guère douteux, témoin la mission secrète que remplit en cette même année à Chambéry et à Turin Hérault de Séchelles, déguisé pour la circonstance en paysan[1]. Mais, on ne saurait méconnaître que loin de rien entreprendre pour calmer les susceptibilités de ses sujets de Savoie, loin de s’attacher à satisfaire leurs aspirations en ce qu’elles avaient de légitime, le roi Victor-Amédée ne parût appliqué qu’à braver les unes et qu’à décourager les autres.
Les officiers piémontais qui tenaient garnison à Chambéry et ailleurs accrurent dans l’exécution la rigueur des ordres qu’ils recevaient à l’effet de contenir les malveillans et de réprimer leurs tentatives d’émancipation. À ces actes de maladresse, ils ajoutaient un langage irritant. Ils montraient dans un avenir prochain les forces militaires du Piémont, enrôlées dans la coalition européenne qui se formait contre la France Assurés de la victoire, ils annonçaient les châtimens qui seraient infligés aux rebelles après leur défaite, prédisaient le prochain retour de la France à l’ancien régime, propos imprudens et provocateurs,
- ↑ Je n’en ai retrouvé aucune trace dans les papiers diplomatiques. Mais, dans Un Homme d’autrefois, p. 107, il en est fait mention, d’après une histoire militaire du Piémont, et d’autre part, une note de police, à la date de septembre 1790, signale la présence à Carouge de Hérault de Séchelles en route pour Turin, accompagné d’un M. De Cambris.