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FIGUIG
ET
LA POLITIQUE FRANÇAISE AU MAROC

Cinq cent quatre-vingt-sept coups de canon ; la gerbe des obus à la mélinite qui s’abattent, avec une implacable précision, sur les vieux remparts de terre, pénètrent à travers la fragilité des murs, tombent au milieu des cubes réguliers des maisons et font explosion en projetant, sur la limpidité du ciel, un écran de fumée blanche et de poussière grise ; la fuite, éperdue des indigènes, sous la voûte protectrice des palmeraies, vers l’asile des montagnes ; l’impressionnante parade de 3 500 hommes de troupes régulières, sans compter les goums déployés, autour des oasis : aurait-on provoqué tout ce branle-bas, seulement pour démolir quelques masures en pisé, couper en deux un inoffensif minaret, tuer une vingtaine de pauvres diables et recevoir 60 105 francs d’indemnité de guerre ? Se serait-on risqué à déranger l’armée bourdonnante des journalistes uniquement pour leur donner, à eux, le plaisir de découvrir le Sahara, et, à leurs lecteurs, l’étonnement de les voir, soudain empoignés par le démon de la guerre, dresser des plans de conquête et rêver à d’homériques batailles sous le grand soleil ? Et nous, enfin, en cherchant à établir le bilan des résultats obtenus, devrions-nous conclure que l’on a donné un coup d’épée dans l’eau, si pareille métaphore pouvait être de mise quand il s’agit de coups de canon tirés dans le désert ? Non sans doute, si la