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Les représentans de la France, pendant leur séjour dans les oasis, purent circuler sans péril à travers tous les ksour de Figuig, y compris Zenaga ; mais il leur était prescrit de n’y pénétrer qu’après avoir averti, soit l’amel, soit quelqu’un des personnages les plus respectés et les plus influens des oasis et qu’en compagnie de cavaliers d’escorte. Cette précaution, que l’on a voulu représenter comme humiliante, n’était que naturelle dans un pays musulman où, la veille encore, presque aucun chrétien n’était jamais entré. Il n’est pas nécessaire à la sécurité de la frontière que les touristes se promènent dans l’enceinte de Zenaga et que l’agence Cook organise des excursions dans l’oasis ! Une seule fois, l’un des membres français de la commission, passant à Zenaga sans escorte, fut insulté, assailli à coups de pierre et resta en péril jusqu’à l’arrivée des cavaliers de l’amel ; la djemâa responsable dut présenter, pour cet incident, de solennelles excuses. Comment s’étonner, d’ailleurs, que les Figuiguiens n’aient supporté qu’avec impatience la présence des étrangers ? Un indigène dit, un jour, à haute voix, en présence de quelques Français : « Si ce n’était pas pour obéir au Sultan, vous ne boiriez pas l’eau de nos puits. » On a cité ce propos pour montrer que, sous une apparence de soumission, se cachait une hostilité implacable ; mais n’est-ce pas, pour le moment, tout ce que nous demandons, que les gens de Figuig nous supportent pour obéir au Sultan, puisqu’en fait l’autorité du Sultan ne peut être efficace que grâce à l’appui que nous lui prêtons ? C’est le cas de répéter le vieil axiome : Oderint, dam metuant. Les rapports de bonne amitié viendront plus tard, avec le chemin de fer et le développement des échanges commerciaux.

Le 5 mars, les commissaires se mirent (en route pour Bechar et Kenadsa. Les Djemâa des ksour, mises en demeure d’opter entre la France et le Maroc, déclarèrent qu’elles entendaient rester indépendantes ; les chefs des Doui-Menia et des Oulad-Djerir firent la même réponse à Guebbas lorsqu’il leur signifia la volonté du Sultan d’avoir à se soumettre à la France ou à quitter le pays. Seul, le marabout de Kenadsa, chef religieux très influent dans toute la région du Bechar, plus éclairé ou plus prévoyant, fit bon accueil aux Français. Personne, d’ailleurs, n’avait espéré obtenir du premier coup la soumission des deux tribus ; il suffisait, pour le moment, que la volonté du Sultan leur fût signifiée, de manière à donner un fondement de droit à notre