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Un pareil état d’esprit, qui serait incompréhensible en France, est, nous l’avons déjà montré, explicable en Algérie, chez ceux qui, trop rapprochés des événemens, n’en peuvent apercevoir que l’un des aspects. Par bonheur, cette opinion ne saurait prévaloir contre l’unanime volonté de ceux qui ont la responsabilité de diriger notre politique à l’heure grave où les destinées du Maroc traversent une crise décisive ; mais le mécontentement d’une partie de l’opinion algérienne est une raison de plus pour que l’on se hâte de donner à l’accord du 20 avril 1903 la sanction des résultats. La période de réalisation commence. Il est nécessaire d’abord d’achever l’organisation des « territoires du Sud, » acceptée par la Chambre ; de créer au moins une nouvelle compagnie de tirailleurs sahariens à Beni-Abbès ; et d’organiser, avec les tribus soumises, des maghzen comme celui que l’on a formé, à Taghit, avec les Doui-Menia ralliés. Le prolongement du chemin de fer de Beni-Ounif jusqu’à Ben-Zireg et Kenadsa fera plus pour asseoir l’influence française dans la région du Bechar que la coûteuse promenade des colonnes militaires. L’installation de garnisons marocaines avec officiers et instructeurs français, l’occupation permanente d’un poste dans le Beni-Smir, assureront la police des régions frontières, tandis que l’ouverture de nombreux marchés développera les échanges et fera peu à peu naître chez les indigènes une confiance dont nous n’aurons qu’à recueillir tous les fruits.

L’organisation et la pacification des marches de l’Algérie, du côté du Maroc, ne saurait être l’œuvre d’un jour ; la patience est la vertu qu’il faut souhaiter à ceux qui, avec un dévouement dont il convient de leur être reconnaissant, se vouent à cette tâche ingrate. Au bord de la mer ou dans les déserts de sable, ce n’est qu’au prix de longs efforts que l’on parvient à dompter l’envahissante mobilité des dunes ; ce n’est pas non plus en un jour, — fût-ce un jour de bombardement ; — ce n’est pas même en un an que nous réussirons à mettre de l’ordre dans les tribus de la frontière, à ramener tous les dissidens, à régulariser les courses des nomades, à tarir les sources d’où s’élancent, pour le pillage, les djich ou les rezzou et à faire de ceux qui détroussaient les convois ceux qui les défendront. N’espérons même pas détruire les derniers pillards : si loin que nous les pourchassions dans l’ouest, en vertu du droit de suite, nous n’irons jamais assez avant, tant que nous ne nous servirons pas de l’autorité du