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II

Dans les vues de Galien, l’importance de l’organe hépatique lui venait très justement de ce qu’il se trouve sur le chemin des alimens digérés. Il était le point de rassemblement de tout ce qui pénètre dans l’organisme par la voie de l’intestin, de tout ce qui, élaboré ou non, est absorbé. C’est avec ces matériaux, déjà préparés par la digestion gastrique et intestinale, que le foie fabriquait, en leur faisant subir une sorte de seconde digestion ou coction, la substance des organes et des tissus, et, d’abord, le sang. Galien pensait donc que le foie préside à la formation du sang : cruentum imperium ! « Après que le foie, disait-il, a reçu l’aliment déjà préparé d’avance par ses serviteurs et offrant, pour ainsi dire, une certaine ébauche et une image obscure du sang, il lui donne la dernière préparation, nécessaire pour qu’il devienne sang parfait. »

C’est cette élaboration alimentaire que la découverte des chylifères et des lymphatiques parut contredire et jeter à bas. Les savans du XVIIe siècle virent, après Aselli, les vaisseaux lactés, les chylifères, chargés d’alimens digérés, de chyme ; et, ils constatèrent, avec J. Pecquet, que ces vaisseaux ne se rendaient point au foie. L’organe hépatique cessait d’être, dès lors, l’aboutissant des alimens digérés. On crut que ceux-ci arrivaient tous dans la citerne de Pecquet, et que, de là, ils étaient dirigés, par les lymphatiques de Rudbeck et Bartholin, dans les membres, les organes, les tissus, dans toutes les parties du corps. On déclara désormais que c’était dans « la cuisine des membres » qu’ils subissaient les mutations qui ont pour effet de les transformer en matière vivante : ce n’était plus dans le foie. De là, cette idée de la faillite du foie qui a subsisté jusqu’à Magendie.

En réalité, c’est Galien qui avait raison. C’est bien au foie que se rend directement la plus grande partie des matériaux digérés venant de l’intestin. La masse principale du chyme pénètre dans les veines intestinales et ensuite dans le foie, par les branches de la veine-porte. Le reste prend la voie détournée des chylifères et du canal thoracique, tombe dans le système veineux et est conduit au cœur, comme l’ont vu les expérimentateurs du XVIIe siècle ; mais ce n’est qu’une minime partie des alimens, particulièrement les graisses, qui suivent ce détour. Encore faut-il remarquer que le cours de la circulation ramène successivement, et dans un temps fort court, le sang, chargé de la plupart de ces matériaux, à l’organe hépatique, avant qu’ils n’aient