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Ce mardi matin 26 septembre 1837.

« Mille remerciemens, cher ami, pour moi ; mille félicitations pour vous, heureux père, et pour Mme Olivier. Je ne pensais pas que ce fût pour si tôt. Je prends bien de la part à vos joies, à vos inquiétudes, à sa délivrance. J’attendais votre lettre avec une sorte d’anxiété, bien que je susse qu’elle ne pouvait venir plus vite. Enfin, voilà les trois quarts du oui, et j’espère que ce qui doit clore ne manquera pas. Je me suis plus que jamais dirigé vers vous (depuis ma détermination prise), de toutes mes pensées et de tous mes désirs ; c’est au point que j’irais, même quand le Conseil n’approuverait pas[1]. Vous avez en ce moment

  1. La grosse difficulté était, en effet, d’obtenir l’approbation du Conseil de l’Instruction publique et du Conseil d’État. Br/> « Vous avez à Lausanne et dans le canton de Vaud, lui écrivait Juste Olivier, beaucoup d’amis qui remuent pour vous tout ce qu’ils ont de bras. M. Monnard, que j’avais averti, écrit de Lucerne. Son collègue à la Diète, M. de la Harpe, conseiller d’État, en a fait autant. Mon beau-frère et moi, expédions des missives tant et plus. Le Conseil d’État passe pour être un peu récalcitrant en littérature moderne, mais nous disons : « Il n’osera. »
    « Tout cela est bien lent et vous ennuie beaucoup, si vous y pensez. Mais nous n’avons plus de ministre de l’Instruction publique compétent pour décider à lui seul les questions de cette espèce. Dans nos petites démocraties, la volonté qu’il faut faire agir est très complexe. Il y a une Académie, corps enseignant, à consulter, et la décision appartient à un Conseil d’État composé de neuf membres. Quelque bonne volonté que nous y mettions, les délibérations, les communications d’un corps à l’autre, les préavis à recueillir, prennent du temps. Voilà ce que vous fait dire mon ami Espérandieu, et en vérité il a mis à cette affaire toute la célérité voulue. » (Lettre du 20 septembre 1837, communiquée par M. le vicomte de Spoelberch de Lovenjoul.)
    Et six jours après, Juste Olivier mandait de nouveau à Sainte-Beuve :
    « Je vous adresse note sur note, comme nos grands diplomates européens. Celle-ci pour vous prévenir que le Conseil de l’Instruction publique, en s’adressant officiellement à vous, vous fera peut-être une question sur la manière dont vous entendriez traiter le sujet de Port-Royal que j’ai indiqué en votre nom. Ne soyez pas surpris, c’est une affaire de forme. Comme le sujet doit être agréé par l’Académie, qui est proprement le corps enseignant, tandis que le Conseil n’est que le corps dirigeant, ce dernier se croira peut-être obligé d’avoir vos propres paroles sur ce point, afin de les insérer officiellement dans sa communication à l’Académie. Ayez donc la complaisance de lui faire en deux ou trois phrases votre profession de foi à cet égard : ce que vous m’avez mis dans votre lettre sur votre intention de traiter Port-Royal d’une façon approfondie et en le rattachant par ses liaisons naturelles aux écrivains du grand siècle, surtout ce dernier point… Nous sommes tous bien ennuyeux, n’est-ce pas ? mais tâchez de nous prendre encore un peu en patience ; peut-être qu’en persévérant dans l’ennui, le plaisir vous viendra. »
    Le plaisir vint, en effet ; le 7 octobre 1837, Sainte-Beuve recevait de Juste Olivier le petit billet que voici :
    « Le sujet de Port-Royal a été agréé par l’Académie. Ainsi il ne reste plus aucun obstacle. Port-Royal, le cours donné officiellement aux étudians pendant notre année scolaire (novembre à juin,) et trois leçons par semaine. Nous sommes tous réjouis, dussions-nous avoir le chagrin de ne pas vous recevoir à Lausanne, comme nous aurions aimé. » (Lettres communiquées par M. le vicomte de Spoelberch de Lovenjoul.)