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« J’ai écrit à M. Espérandieu un mot de remerciement[1].

« Mes respects et souvenirs à Mlle Ruchet et à Monsieur votre beau-frère. »

Lausanne, ce samedi 21 octobre 1837.

« J’ai reçu hier votre petit mot, mon cher ami, en même temps qu’arrivaient M. de La Harpe et M. Espérandieu, ce qui m’a empêché d’y répondre le soir. M. de La Harpe m’a bien chargé de vous dire qu’il était venu pour vous rendre visite. J’avais été prendre le matin M. Espérandieu pour faire visite à M. Gindroz, que nous avons trouvé, et fort accort. Il est tombé d’accord avec M. Porchat pour les jours et heure[2]. M. Espérandieu a bien voulu revenir le soir pour me tenir compagnie et nous avons fait un tour de promenade en conversant. La veille au soir, j’avais trouvé chez lui M. Scholl et M. Vinet et le goûter s’était prolongé assez tard en toutes sortes de conversations sur Paris, l’abbé de La Mennais et les auteurs à la mode, ainsi que sur l’espèce de contradiction qu’on peut voir entre l’art, la littérature d’une part, et la morale, le sérieux pratique, de l’autre. M. Vinet a parlé sur ce dernier point très bien. Vous voyez donc, cher ami, que je vais pouvoir marcher tout seul déjà et sans vous. — Mes livres sont déballés et au bûcher : j’ai déjà vérifié qu’il n’y en avait pas d’oubliés. Je vais les ranger dans une heure. Ma précaution est extrême et même vétilleuse. Dites-le bien à Mme Olivier. J’aurais tant de regret de rien emporter de là-bas qui ne soit digne d’ici. Mais il y a eu déjà tant de quarantaines antérieures pour ces livres, que, la saison et le froid aidant, je suis à peu près certain qu’il n’y a rien. Ce que j’en fais est pour

  1. On trouvera sa lettre au tome Ier de la Correspondance, p. 38.
  2. Pour l’intelligence des lettres qui vont suivre, il est bon que nous fassions connaissance avec le monde de savans et de professeurs que Sainte-Beuve allait fréquenter à Lausanne.
    « Lorsque j’arrivai dans cette bonne, honnête et savante Académie de Lausanne, a-t-il écrit lui-même, M. Porchat, le futur traducteur de Goethe, était recteur, chargé de la chaire de langue et de littérature latines ; M. Monnard, mort depuis professeur à l’Université de Bonn, était professeur de littérature française ; M. Vinet venait d’être nommé professeur d’Homilétique (ou Éloquence sacrée) et de Prudence pastorale (Directions aux étudians de théologie sur la vie de pasteur). Il y avait encore M. Dufournet, professeur d’exégèse et d’hébreu ; M. Herzog, professeur d’histoire ecclésiastique ; M. André Gindroz, professeur de philosophie, membre en même temps du Conseil d’Instruction publique dont il était l’âme. M. Juste Olivier, mon ami, donnait un cours d’histoire. » (Port-Royal, t. I, Appendice, p. 514.) M. Vuillemin, dont il est parlé aussi dans cette correspondance, enseignait l’histoire au Gymnase de Lausanne.