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quatre siècles ; on doit considérer qu’il fut, à côté de Livingstone et de Stanley, l’initiateur le plus résolu de la pénétration de l’Afrique. M. de Brazza, depuis 1875, a consacré au Congo français vingt-cinq ans de sa vie, avec un courage, une persévérance, un désintéressement qui le signalent à l’admiration et à la reconnaissance de ses compatriotes : à sa direction, notre colonie du Gabon a dû de devenir le Congo français, ou plutôt une porte du Congo français ; sans doute, dans la hâte d’aménager la maison, s’est-on trop peu soucié d’en entretenir le vestibule, mais M. de Brazza peut dire que les concurrences l’obligèrent à travailler d’abord à l’avancement, quitte à reprendre ensuite en sous-œuvre, comme l’a fait la Russie pour son Transsibérien.

Arrivé au Gabon en octobre 4875, Brazza était accompagné du docteur Ballay, de Marche, et d’un quartier-maître européen, avec treize marins sénégalais (laptots) et quatre Gabonais interprètes. Monté en vapeur sur l’Ogooué jusqu’à Lambaréné, il rencontra l’Allemand Lenz, épuisé par une campagne de deux années ; il le ravitailla, l’aida à rentrer en Europe, et le départ de ce voyageur marque la date à partir de laquelle la France assume seule les charges de la découverte de l’arrière-pays. Nous n’avons pas à raconter ici en détail les explorations de Brazza ; rappelons-en seulement les traits essentiels : au cours de ce premier voyage (1875-1878), il reconnut l’Ogooué, coupé de rapides ; il traversa des plateaux où se creusent des ravins forestiers, parmi des collines désertes, dont la brousse rase n’offre aucunes ressources ; la mission vécut pendant plusieurs jours de racines de manioc et de sauterelles frites dans l’huile de palme. En avançant à l’Est-Sud-Est, Brazza rencontra des rivières coulant en sens inverse de l’Ogooué, il voulut descendre l’une d’elles, l’Alima, mais il fut bien vite arrêté par des indigènes anthropophages, devant lesquels il fallut revenir en arrière ; l’explorateur le regretta d’autant plus qu’il avait entendu ses guides parler d’un grand fleuve où l’on arrivait par l’Alima…

Rentré en Europe, il apprit le mémorable voyage par lequel Stanley, parti de Zanzibar, venait de déterminer le cours complet du Congo ; plus de doute désormais, l’Alima se jetait dans ce fleuve, et c’est le Congo navigable qu’il fallait atteindre au plus vite, en partant de la côte française, pour réserver à la France le bénéfice pratique de ces découvertes. Aussi pressé que Brazza, Stanley n’avait fait que toucher barre en Europe ; il avait obtenu