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C’est un fonds d’amortissement qui nous manque, celui que M. Thiers réclamait impérieusement au lendemain de la guerre de 1870 ; celui dont M. Rouvier rappelait l’autre jour la nécessité. Mais, puisqu’il n’existe pas, ou qu’il est insuffisant, ou qu’il est annihilé par des emprunts directs et occultes d’un montant supérieur, il faut que nous recherchions les moyens de le rétablir dans notre budget avec l’ampleur que commande une dette de plus de 30 milliards. Comment ne pas être effrayés d’une situation qui se manifeste par les symptômes suivans : accroissement de la dette consolidée et viagère, accroissement des dépenses de toute nature, fléchissement des plus-values qu’on peut appeler normales dans le rendement des impôts et qui résultent de la multiplication des habitans, chez des nations plus favorisées que la nôtre sous ce rapport, et du développement régulier de la richesse publique ? Aussi longtemps que la marche des dépenses ne dépasse pas celle de ces plus-values, on peut à la rigueur n’en être pas trop préoccupé, bien que, selon nous, la véritable destination de ces excédens doive être l’amortissement de la dette. Mais, lorsque la progression des dépenses s’accélère d’une façon inquiétante, que c’est par soixantaine de millions qu’elle se chiffre, et qu’en regard on voit les impôts et particulièrement les taxes indirectes, qui reflètent bien les mouvemens de la richesse publique, présenter des signes non équivoques de ralentissement, la situation devient dangereuse.

Si les chiffres indiqués plus haut par nous ne se suffisaient à eux-mêmes et ne parlaient pas avec une éloquence fâcheuse, nous trouverions d’autres preuves des difficultés au milieu desquelles nous nous débattons dans la recherche pénible de taxes nouvelles qui a marqué l’éclosion du dernier budget. Nous ne parlons pas des lois que le ministre a courageusement demandées au Parlement pour faire cesser les fraudes des bouilleurs de cru et les abus des consommations en franchise dans les zones douanières, mais de la taxe sur le pétrole, qui compromet une industrie organisée sur la foi des tarifs établis, de la taxe sur les contrats d’assurance, qui frappe la prévoyance du père de famille dans ce qu’elle a de plus légitime, et d’autres semblables qui, pour jeter quelques millions en proie au minotaure, apportent le trouble dans les affaires. De semblables mesures sont un avertissement, elles indiquent que le pays donne tout ce qu’il peut et doit donner à l’État, et que ce n’est pas dans l’accroissement