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précisant les attributions du commissaire auprès des sociétés concessionnaires, lui recommandait « d’agir sur celles-ci en vue d’amener celles qui sont limitrophes à procéder peu à peu, après entente et à frais communs, à la détermination des limites exactes de leurs territoires respectifs ; d’obtenir d’elles l’établissement de la carte de leurs territoires. » Si ce sont là des services sans compensation, il semble que l’administration demanderait trop volontiers aux concessionnaires d’assumer une tâche qu’elle devrait remplir. Mais il ne sera pas sans doute impossible, par un échange de bons procédés, de réaliser enfin cette entente féconde des concessionnaires et de l’administration, escomptée par M. Guillain dès 1899 et qui s’est trop rarement affirmée depuis. Le gouvernement et les fonctionnaires montreront leur sollicitude éclairée pour l’œuvre de la colonisation du Congo en étudiant sans tarder trois questions qui restent pendantes, et dont la solution est impatiemment attendue : l’une, que des ambitions à surveiller voudraient internationales, a été posée par les plaintes de deux sociétés anglaises contre certains de nos concessionnaires ; les autres sont locales : il s’agit de la main-d’œuvre indigène et du chemin de fer du Congo français.

Des journaux anglais et allemands, des cercles coloniaux de Liverpool et de Hambourg, mènent grand bruit autour d’incidens qui ont mis aux prises, dans la région du Haut-Ogooué et du Kouilou, des concessionnaires français avec deux maisons anglaises, MM. Holt et Cie, MM. Hatton et Cookson : ces négocians, voyant leurs affaires plus difficiles par suite de la concurrence des concessionnaires, ont prétendu que les concessions étaient caduques, en tant que contraires à l’Acte de Berlin, qui stipule la liberté du commerce dans le bassin conventionnel du Congo ; ils ont cherché à détourner les indigènes des factoreries françaises, en leur offrant des prix exorbitans ; les Français ont fait saisir chez les Anglais des marchandises indigènes acquises en fraude de leurs droits : car, investis de la propriété du sol, ils sont seuls qualifiés pour en faire recueillir les produits. Bref, on s’est fort querellé, puis on a plaidé. Les tribunaux ont condamné les maisons anglaises[1], d’après une thèse de droit qui n’est, en effet, pas douteuse : les concessions ne s’appliquant qu’à la propriété du sol, ne violent en rien l’Acte de Berlin, qui vise

  1. Voir les jugemens du tribunal de Libreville en date des 11 janvier et 28 juin 1902.