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protection des indigènes, » allemandes ou anglaises, trouveront des carrières ouvertes à l’exercice de leur apostolat sans s’égarer en terre française : il est très désirable que notre gouvernement, avec une courtoise fermeté, les décide à changer l’adresse de leurs homélies. Chez nous et pour nous, la tâche est assez délicate de résoudre cette question de la police des indigènes, qui est celle de la main-d’œuvre, c’est-à-dire de la colonisation. Nous ne pouvons blâmer avec trop d’énergie les violences dont quelques Européens, très rarement en territoire français, se sont rendus coupables contre des noirs de l’Afrique centrale, mais il faut bien nous décider à considérer ces indigènes comme de grands enfans, des mineurs dont l’éducation nous est confiée, et que nous devons former peu à peu à la notion du travail ; pour le moment, la plupart sont naturellement paresseux, tels les animaux sauvages, actifs seulement pour chercher leur subsistance ; comment les élever au-dessus de cette humanité rudimentaire ?

Les instructions données en octobre 1902 au commissaire près des sociétés concessionnaires portent que ce fonctionnaire devra rassembler les indigènes en villages, en tenant compte des divers sites de races et procéder, d’accord avec les sociétés, à la délimitation des « réserves indigènes. » Il importe de s’entendre sur ce mot ; l’objectif n’est pas, en effet, de ménager aux noirs des « places de sûreté » où ils pourraient en toute liberté continuer une vie fainéante et inutile ; nous devons seulement leur assurer des terres en suffisance pour qu’ils y cultivent les plantes vivrières dont ils font un usage quotidien, c’est-à-dire le manioc et le bananier : ce sont donc des terres défrichées ou du moins débroussées qui constitueront ces réserves, et non des bois encore intacts, ceux-ci formant le plus clair des ressources dont peuvent tirer parti les concessionnaires. Le groupement en villages permettra la création d’une hiérarchie sommaire qui facilitera singulièrement l’administration, le recrutement de la main-d’œuvre, la perception de l’impôt ; ces villages seront placés près des factoreries françaises et les fonctionnaires devront user de toute leur influence pour déterminer les indigènes à passer des contrats de travail avec les concessionnaires. Un décret du 11 mai 1903 investit spécialement les « administrateurs, commandans de cercle ou chefs de poste, » du droit de présider à ces contrats : avec du tact et de la fermeté, ils pourront rendre les plus grands services aux concessionnaires ; ceux-ci feront le