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II

Le pays du monde qui a vu depuis quelques années se transformer le plus radicalement sa situation financière et économique est la Grande-Bretagne. La guerre du Transvaal a marqué l’apogée de ce que l’on pourrait appeler l’impérialisme aigu de nos voisins. Depuis que la reine Victoria avait ajouté à son titre royal celui d’impératrice des Indes, l’esprit de conquête, si peu en faveur chez les Anglais de la première moitié du XIXe siècle, avait fait parmi eux de singuliers progrès : presque chaque année, de nouvelles expéditions coloniales l’attestaient. La guerre entreprise en octobre 1899 contre les Boers et qui ne se termina que trois ans plus tard, par la paix conclue le 31 mai 1902, mit à une singulière épreuve et l’énergie anglo-saxonne et les ressources du Trésor britannique. Ce fut le plus grand effort militaire et financier de nos voisins depuis la clôture des guerres de la fin du XVIIIe siècle et du commencement du XIXe siècle. Au cours de cette période presque centenaire, l’Angleterre avait été entraînée dans une seule guerre européenne, celle de Crimée : grâce à notre concours chevaleresque, ce fut l’armée française qui porta le principal poids de cette longue et pénible campagne ; le contingent de nos alliés ne représenta qu’une faible proportion de nos effectifs. Le coût de l’expédition, qui ne dépassa pas 2 milliards de francs pour l’Echiquier britannique, fut couvert moitié par l’emprunt, moitié par l’impôt. Gladstone, qui était alors au pouvoir, insista pour que la plus grande partie de ces frais fussent demandés sans délai aux contribuables : les sacrifices qu’exige la guerre sont un frein, disait-il, que la Providence a mis à l’ambition des peuples, qui, sans cela, serait insatiable. Ce fut aussi la seule époque où, depuis la clôture de ce que l’on pouvait appeler le compte des guerres napoléoniennes, le grand livre de la Dette publique se rouvrit à la Banque d’Angleterre : une émission de 400 millions en consolidés eut lieu en 1855. Mais on peut dire que ce ne fut qu’un accident dans la politique admirable de réduction de la dette que les chanceliers de l’Echiquier poursuivirent à peu près sans interruption jusque vers la fin du XIXe siècle.

Nous avons décrit ici même les procédés multiples et ingénieux au moyen desquels des hommes d’Etat anglais ont travaillé