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mauvais vouloir apporté par ce général dans l’exécution du plan arrêté la veille par le conseil de guerre où avait été discutée l’opportunité de la bataille et où on avait décidé de la livrer. C’est parce que Broglie n’avait pas obéi qu’à les en croire, Contades avait été battu[1].

Ces débats, qui passionnaient Paris, laissaient indifférentes, on le devine, Mesdames Hérault de Séchelles. Toutes à leur douleur et au regret de ne pouvoir elles-mêmes prodiguer des soins à leur cher blessé, elles maudissaient la distance qui les séparait de lui et attendaient anxieuses les courriers du maréchal de Contades. L’un d’eux cependant les rassura. Le colonel était à Cassel, où l’avait fait transporter le maréchal, avec MM. De Poyanne et de Maugiron. « Ils sont aussi bien qu’ils puissent être. » Elles le crurent sauvé, et s’en montrèrent d’autant plus heureuses qu’on leur rapportait que le Roi réservait à M. de Séchelles l’intendance d’Alsace pour le cas où le jeune officier serait empêché par ses blessures de rester au service. Mais il était écrit que leurs espérances ne se réaliseraient pas. L’état du blessé s’aggrava et la nouvelle de sa mort, survenue le 18 août, leur parvint à la fin de ce mois[2].

Le nom qu’il portait s’éteignait avec lui. Il ne pouvait revivre que si l’enfant à naître était un fils. C’est un fils qu’assurément a souhaité d’avoir la veuve du colonel de Séchelles et il n’est pas douteux que la veuve de René Hérault se soit associée à ce souhait. Mieux eût valu pour elles cependant que ce fils ne naquît jamais. Elles n’eussent pas connu les tourmens, les angoisses et la douleur que leur réservaient, à trente ans de là, les agitations de sa vie et sa mort, non moins tragique que celle de son père, mais non relevée par le même héroïsme.

Jean Hérault vint au monde à Paris dans les premières

  1. Les papiers et lettres du temps témoignent de la vivacité des débats auxquels cette question donna lieu. Il ne semble pas d’ailleurs que, ni à ce moment, ni depuis, et pas plus dans le public d’alors que dans les conseils du roi, elle ait été résolue. Belle-Isle, dans ses lettres à Contades, affecte de lui donner raison et déclare que le roi est de son avis. Mais, Belle-Isle n’aimait pas les Broglie. Il n’ignorait pas que ceux-ci le lui rendaient, et peut-être son opinion n’est-elle pas désintéressée. D’autre part, les raisons que lui oppose Broglie ont leur éloquence. Elles seraient probantes si l’on n’y pouvait objecter que celles de Contades ne le sont pas moins. De nos jours, dans son beau livre : le Secret du Roi, l’éminent et regretté duc de Broglie a pris parti pour celui des acteurs dont il portait le nom.
  2. La Gazette de France l’annonça le 1er septembre.