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Que le lecteur ne s’étonne pas que nous ayons un moment retenu son attention sur cet épisode frivole et en somme assez banal de la vie de Hérault de Séchelles. Pour nous contraindre à excuser les crimes des grands terroristes, on nous a tant vanté leur patriotisme, la gravité de leurs pensées, la correction de leur conduite privée, qu’on ne saurait trop montrer ce que cachaient souvent les dehors austères de leur personnage public. Vus de loin, ils sont des géans farouches, exclusivement préoccupés du bien de l’État et qui n’ont répandu tant de sang innocent que parce qu’à leurs yeux le salut de la patrie exigeait des hécatombes. Vus de près, leur grandeur diminue, leurs vertus s’effacent. Ils nous apparaissent affamés de domination, avec un cortège de vices, d’ambitions, de préoccupations personnelles ; ils ne seraient que des politiciens vulgaires, n’étaient leurs forfaits et le caractère tragique des châtimens dont la plupart d’entre eux ont été frappés.


V

On a vu Hérault de Séchelles et Philibert Simond, arrivés en Savoie avec Grégoire et Jagot, procéder à l’application rigoureuse des lois républicaines dont la Convention entendait établir le règne dans ce pays, bien qu’il ne se fût donné à la France avec tant d’allégresse que parce qu’il était convaincu qu’elle respecterait ses antiques coutumes, ses croyances, ses prêtres, ses mœurs. S’il y eut des protestations, elles furent promptement étouffées et, si la Terreur n’atteignit pas sur-le-champ le degré d’intensité auquel elle fut portée quelques mois plus tard, lorsque le représentant du peuple Albitte vint remplacer les commissaires nommés par la Convention au mois de décembre 1792, il n’en est pas moins vrai que c’est ceux-ci, et notamment Simond et Hérault, qui la préparèrent et en facilitèrent l’exercice à leur successeur. Nous avons énuméré précédemment les mesures décrétées par eux. Elles suffisent à démontrer qu’ils avaient résolu de pousser les violences à l’extrême et que, s’ils n’exécutèrent entièrement leurs projets, ce fut par suite de lenteurs et de tâtonnemens indépendans de leur volonté.

Les Savoyards durent à ces circonstances de ne pas être témoins des forfaits que connurent les Parisiens avec Robespierre,