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DE BOULOGNE Á AUSTERLITZ

II[1]
LA LEVÉE DU CAMP

Napoléon ne se vantait pas quand il faisait dire par un de ses agens : « L’Empereur pénètre toutes les vues de ses ennemis et il embrasse d’un coup d’œil rapide les conséquences les plus éloignées. » Le voilà dans ces derniers jours de juillet, qu’il a assignés à la jonction de Villeneuve revenant des Antilles et de Ganteaume sortant de Brest. Avant quatre semaines, il passera en Angleterre ou il se portera sur le Danube. S’il passe en Angleterre, il faut retenir l’Autriche ; s’il fait la guerre à l’Autriche, il faut la prévenir. Dans l’un et l’autre cas, terrifier, gagner, neutraliser au moins la Prusse, le temps d’aller à Londres ou d’aller à Vienne, sauf à l’anéantir ensuite d’un coup de revers. Ces trois affaires s’ordonnent dans son esprit, sans se confondre. D’abord, la descente prime les deux autres ; puis, peu à peu, à mesure qu’il approche du terme fixé et que nul guetteur ne signale les voiles de Villeneuve, sa préoccupation se tourne vers l’Allemagne ; le reflux de la grande armée se prépare sourdement, et, degré par degré, précautions d’abord, puis ordre de marche se succèdent, se précipitent, et cette combinaison, accessoire encore dans les dernières semaines de juillet, devient principale dans les trois premières semaines d’août. Les mouvemens

ne s’accomplissent avec cette sûreté de méthode, ne su découvrent

  1. Voyez la Revue du 15 août.