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cœur ; mais il faut bien qu’ils fussent un peu faibles d’esprit, et, pour tout dire, un peu sots, puisqu’ils appliquaient avec tant de sérénité des méthodes déplorables. Que M. Lavisse, au sortir de leurs mains, ait pu devenir un historien, c’est une espèce de miracle, ou c’est la preuve que la plus mauvaise éducation ne saurait gâter un bon naturel. Soucieux d’épargner aux générations futures les erreurs dont il a failli lui-même être la victime, l’éminent professeur de la Sorbonne procède à une exécution en règle de ce système classique, qu’il est d’ailleurs tellement plus facile de railler que de remplacer ! C’est la mort sans phrases, la guillotine sèche.

Ce système qui fonctionnait encore dans son intégralité, quand M. Lavisse en a subi la fâcheuse discipline, a été dans ces vingt dernières années sensiblement modifié. On y a introduit diverses réformes que les humanistes déploraient, sans toutefois oser trop protester, crainte de se faire honnir. Il est curieux de constater qu’aujourd’hui il n’est aucune de ces réformes, tant vantées, qui ne soit, après épreuve faite, condamnée, abandonnée, rejetée. Citons seulement pour mémoire la création de cet « enseignement moderne » promis à de si belles destinées et réservé à un si misérable échec. Il venait de naître et aspirait à remplacer l’enseignement classique, — ou, pour autant dire, vieillot et suranné, — lorsqu’une mésaventure l’arrêta net : lors de la grande enquête menée, il y a quatre ans, par la commission parlementaire que présidait M. Ribot, il réunit contre lui l’unanimité des suffrages. Mais en outre, à l’intérieur même de l’enseignement classique, on s’était efforcé de faire circuler un esprit nouveau, qu’on croyait inspiré des méthodes de l’histoire et de la science.

On déclarait absurde, par exemple, de ne faire jamais connaître aux jeunes gens les ouvrages des grands écrivains que par des extraits, et d’expliquer dans les classes des fragmens, des morceaux choisis, au lieu d’étudier les œuvres entières. Voici qu’on n’est plus si assuré de l’utilité de ces lectures d’ensemble : on revient à comprendre l’utilité de ces petits livres qui contiennent, suivant le mot de Fénelon, la fleur de la plus pure antiquité. Au maître qui veut faire goûter l’antiquité à ses élèves, M. A. Croiset recommande « de choisir, élaguer, et ne pas s’asservir à ces scrupules pédantesques de fidélité littérale ou de purisme qui ont fait critiquer des recueils exquis comme le Selectæ, comme le Narrationes' ou le Conciones ou comme des extraits de Plutarque. Vouloir offrir à nos élèves exclusivement des ouvrages complets sous le prétexte de leur en faire saisir l’ensemble, c’est lâcher la proie pour l’ombre. Le plus souvent ils sont