mêmes méthodes d’observation et d’induction scientifiques qui ont servi à Stuart Mill pour établir les lois de l’association des idées, Myers s’est efforcé de démontrer que l’âme humaine était foncièrement indépendante du corps, et qu’elle lui survivait, et qu’elle pouvait même, dans certaines conditions, rester en rapport suivi avec notre monde terrestre après l’avoir quitté.
À cette démonstration Frédéric Myers a employé les trente dernières années d’une très belle vie, d’une vie toute partagée entre le travail et le rêve, alliant à une recherche passionnée du vrai un goût, non moins passionné, de toutes les formes de la beauté esthétique et morale. Poète d’un talent remarquable, et l’un des meilleurs humanistes de son pays, Myers, aux environs de l’année 1875, dans sa retraite de Cambridge, voyait s’ouvrir devant lui une heureuse et brillante carrière d’écrivain, lorsque son attention fut attirée, par hasard, sur des phénomènes psychiques dont personne, aujourd’hui, ne songe plus à nier la possibilité, mais que la science d’alors, faute de leur avoir encore trouvé une explication, s’obstinait à tenir pour des illusions ou des supercheries. Désireux de soumettre ces phénomènes à une enquête sérieuse, il fonda, vers 1880, avec quelques amis, une Société de Recherches Psychiques qui, ainsi que le savent peut-être nos lecteurs, ne devait point tarder à prendre un grand développement, et allait contribuer pour une forte part à faire reconnaître officiellement, par la science, tout un domaine nouveau de la vie spirituelle. En 1886, sous le titre de : les Fantômes des Vivans, Myers, secondé par son collègue et ami Edmond Gurney, publia un volumineux recueil d’observations tendant à prouver, — et, tout de suite, à définir scientifiquement, — ce qu’il appelait la télépathie, c’est-à-dire la communication à distance d’une âme à l’autre. Le livre fit grand bruit dans l’Europe entière ; et déjà l’on y fut frappé, tout ensemble, du singulier talent d’exposition des auteurs, de la prudente sûreté de leur expérimentation, et de la hardiesse téméraire de leurs conclusions. Mais Myers, dans l’élan fiévreux de sa curiosité, n’était homme à s’en tenir ni aux expériences, ni aux conclusions de son premier livre. Après les Fantômes des Vivans, il s’était mis à recueillir les élémens d’un second livre, qu’il voulait appeler les Fantômes des Morts. Puis, peu à peu, sous l’influence de phénomènes nouveaux qu’il avait été amené à étudier de près, sa conception primitive du sujet s’était modifiée, élargie ; et c’est ainsi qu’il avait enfin formé le projet d’un ouvrage qui ne devait plus être seulement un recueil d’observations classées et commentées, mais une sorte d’organum psychologique, un