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sous les ordres du général Brune, il joua un rôle plus important à la journée de Pozzolo. Là il fit preuve, en effet, d’une décision et d’une énergie peu communes. Poussé en avant par son chef et ensuite abandonné par lui, il eut avec moins de 9 000 hommes à soutenir le choc de 45 000 Autrichiens. Il leur résista pendant dix-huit heures, et, renforcé à la fin par les troupes du général Suchet, il resta maître du champ de bataille en faisant à l’ennemi 4 000 prisonniers.

Pourquoi la journée de Pozzolo, si honorable pour nos armes, ne tient-elle presque aucune place et ne laisse-t-elle presque aucune trace dans notre histoire militaire ? Son nom qui ne décore aucune de nos rues, aucun de nos quais ou de nos ponts, n’est guère connu que des spécialistes. C’est cependant un fait d’armes beaucoup plus important que d’autres combats de la première campagne d’Italie. Mais Bonaparte était à ces combats, pas à Pozzolo. Son nom rayonne d’un tel éclat qu’il éclipse tout ce qui n’est pas lui. Les belles actions de ses lieutenans disparaissent dans la légende qui se fait autour de sa gloire. Lui-même y contribue par le soin continuel qu’il prend de se montrer seul en scène. En acteur consommé, il laisse volontiers dans l’ombre les événemens auxquels il n’a pris aucune part pour concentrer l’attention du public sur ceux où il paye de sa personne et qu’il dirige lui-même. Dans la distribution de la renommée comme dans le gouvernement de la France, il rapporte tout à lui.

Il exerce néanmoins un tel ascendant que ses subordonnés se résignent à la maigre part qu’il leur laisse. Dupont, qui aurait pu se plaindre, se contente de souligner l’incapacité et l’injustice du général Brune, sans vouloir s’en prendre au Premier Consul. Rentré à Paris, il continue à entretenir avec lui les relations les plus cordiales. Il figure même au premier rang des généraux qui insistent pour que le Premier Consul se fasse Empereur. En revanche l’Empereur le nomme grand-officier de la Légion d’honneur. Il serait donc tout à fait contraire à la vérité historique de présenter Dupont à cette époque de sa vie comme une victime des rancunes impériales. Il est vrai qu’il ne fut pas compris en 1804 dans la première promotion des maréchaux de France. Mais le méritait-il réellement ? Etait-ce en tous cas un choix qui s’imposait ? Aucun des contemporains, aucun des écrivains militaires ne la pensé. M. le lieutenant-colonel Titeux est