Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
EN PAYS BOUDDHIQUE

III[1]
LA FÊTE DE LA MORT. — SUR LE NIL BOUDDHIQUE

Je sais aujourd’hui pourquoi tant de bonzes et de pèlerins affluent en ce moment à Mandalay. On célèbre les funérailles d’un « archevêque » bouddhiste, le plus haut dignitaire ecclésiastique des deux Birmanies. C’est à l’Est de la ville royale que les cérémonies ont lieu, non loin des 729 pagodes, et, de ce côté-là, les routes, le soir, sont pleines d’une foule charmante aux couleurs de tulipes.

Cet archevêque mourut il y a deux ans, et son corps est resté sous la garde du monastère d’Or. On l’avait confit dans du miel et le cercueil, décoré de figures de singes et d’éléphans, entouré de vingt-quatre poupées dansantes, avait fini, sous son dais, par faire partie du mobilier du monastère. A Rangoon, nous avons vu ce cocasse appareil, un catafalque ainsi dressé dans la chambre centrale d’un couvent. Alentour, depuis des mois, aux pieds des figurines de cire qui dansent en l’honneur du mort, se poursuivait tout uniment l’ordinaire train-train de ces ruches religieuses : sommeil et psalmodies de moines ; leçons de novices accroupis en cercle autour du maître, besognes de scribes égratignant de leur stylet le papyrus des palmes, maigres dînettes de riz. Mais pour cet archevêque les temps sont expirés. Que cette

  1. Voyez la Revue du 1er et du 15 octobre.