Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fer qui les dépasse un peu, et qui sont les supports du tour sur lequel l’ouvrier façonne ses pièces ; sur ces bardelles, il pose sa canne qu’il roule de sa main gauche, tandis qu’avec les outils qu’il tient de sa main droite, fers, ciseaux, etc, il façonne, il tourne la pièce qui brille, empourprée et brûlante, au bout de la canne, ou du pontil. J’ai vu à Saint-Denis un ouvreur qui finissait, en leur mettant des anses, des carafons en forme d’aiguières : on lui présentait la canne enverrée de pâte, il en détachait un morceau, le rattachait à sa carafe, l’élirait, l’amincissait, l’allongeait, puis, de ses ciseaux, le tranchait, — comme le confiseur, un bâton de guimauve, — et puis, de sa pincette, le courbait, l’arquait, l’arrondissait, l’infléchissait, de tant de lignes fuyantes et de tant de dessins possibles dégageant instinctivement le dessin nécessaire et la ligne définitive.

Les autres auxiliaires de l’ouvreur en verre sont le chauffeur de four et le renfourneur, ses auxiliaires tout proches et indispensables, mais qui peuvent desservir en même temps plusieurs places. Jadis, lorsque le bois était à peu près le seul combustible usité, et maintenant même avec la houille, c’était et c’est encore tout un art que le métier de chauffeur de four ou tiseur, le meilleur tiseur étant naturellement celui qui, à moins de frais, réussit à porter le four à la température la plus élevée et la plus constante. Artiste aussi, le renfourneur, du coup d’œil de qui, s’il sait ou ne sait pas saisir le moment opportun, dépend le bon ou le mauvais succès de la fonte. Artiste enfin, le potier qui, toute l’année durant, est occupé à modeler en argile des creusets vite usés, mais qu’on ne peut faire plus solides, puisque, de tous les métaux connus, il n’y en a qu’un, le platine, qui résisterait à ce feu d’enfer, et que son prix le rend inabordable. Quelle attention à choisir et préparer sa terre ; à la prendre homogène et liante ; à en étendre, à en assouplir, à en pétrir du doigt les pastons ; à en édifier centimètre à centimètre les assises, à en stratifier sans interstice et sans interruption les couches, dans la même direction et dans le même mouvement ; à construire, du haut en bas, ou plutôt de la base au col, ce vase d’apparence vulgaire et pourtant plus délicat que les plus riches ; à chasser de ses parois jusqu’à l’infime bulle d’air dont l’expansion, quand il serait exposé à la chaleur torride du four, le ferait peut-être éclater !

Au total, à force de soins, par la collaboration patiente du