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V

Les deux fonctions examinées précédemment, celle de digestion et celle d’absorption ne sont point des fonctions universelles du foie, puisqu’elles n’intéressent que les invertébrés. Chez les animaux supérieurs, en effet, la première a été déléguée au pancréas et l’autre est restée l’attribut de l’intestin. Mais, parmi les activités communes à tous, il y en a aussi qui sont restées longtemps méconnues, et dont il vaudrait la peine de dire un mot. Telles sont la fonction martiale et la fonction pigmentaire.

Celles-là, peuvent être rattachées, elles aussi, par un lien originel, à l’activité physiologique de l’intestin moyen. Elles ont leur source dans la troisième des propriétés dont nous avons fait les attributs de cet organe. Elles dérivent de cette faculté de transmutation chimique que l’intestin possède et qu’il exerce sur les matières absorbées, pendant qu’elles traversent sa paroi.

Cette propriété vaguement désignée par les mots de transmutation, fonction métabolique, seconde digestion, a été longuement méconnue. On ne croyait pas, en effet, que chez les vertébrés l’intestin exerçât d’action chimique transformatrice sur les substances absorbées. Jusqu’à ces derniers temps on s’est entêté à faire de ce passage de l’aliment digéré à travers le revêtement épithélial une simple filtration qui respecterait la nature de la substance transitante. C’était une chose bien difficile à croire depuis que l’on savait que beaucoup de substances absorbées traversaient le corps même des cellules, au bleu de passer dans leurs interstices intestinaux. Ce que l’on sait de l’absorption des graisses contredisait cette manière de voir. On avait la preuve que la cellule intestinale modifie les matières grasses transitantes, qu’elle peut, tout au moins, faire la synthèse chimique des acides gras et de la glycérine qui lui sont offertes par la digestion intestinale. — Même observation à propos de l’absorption des alimens protéiques digérés. On ne retrouvait pas, au-delà de la muqueuse de l’intestin, les peptones produites dans le tube lui-même, sans doute parce que la cellule intestinale les a dénaturées. La découverte récente de l’érepsine par Cohnheim jette quelque jour sur ce mystère ; et l’érepsine est un sous-agent chimique de la cellule intestinale, chargé de transmuter quelques-unes des matières digérées. On en connaît d’autres. — En résumé, la tendance de la physiologie contemporaine est d’attribuer une activité chimique transmutatrice importante aux cellules de l’intestin.