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colorantes sont tout à fait différentes. Chez les invertébrés, au contraire, les colorans de la sécrétion sont, généralement, ceux de l’organe même.

On a donc essayé d’extraire, de préparer et d’isoler ces matières colorantes dans les diverses classes du règne animal : d’en fixer partout les caractères et les propriétés. C’est une longue étude dont la conclusion seule peut trouver place ici. Elle est en effet très générale et d’une simplicité à laquelle on n’est pas habitué en histoire naturelle. La voici : le foie présente partout des pigmens identiques ; d’un bout à l’autre du règne animal, on y trouve deux matières colorantes et deux seulement, toujours les mêmes, qui se mélangent pour lui donner sa couleur : la ferrine, qui est un colorant soluble dans l’eau et riche en fer ; et le « choléchrome, » qui est une sorte de teinture soluble dans l’alcool et le chloroforme, et qui s’attache aux matières grasses du foie.

Il y a une seule exception. Il arrive, chez les mollusques, que ce second pigment soit masqué et en quelque sorte relégué au second plan par une matière colorante dont la présence dans le foie, déjà signalée en 1883 par Mac-Munn, a causé quelque surprise. Elle est, en effet, tout à fait analogue à celle des plantes, des feuilles, à la chlorophylle, dont on connaît le rôle considérable en physiologie végétale, L’existence d’une chlorophylle hépatique, d’une chlorophylle animale, ouvrait la porte à toutes sortes d’hypothèses et de déductions. Il a fallu la fermer : la chlorophylle animale n’existe pas. Dastre et Floresco ont démontré que cette matière colorante du foie n’était autre chose que celle même des feuilles dont l’animal se nourrit, qui est absorbée par le foie (ce qui est un nouvel exemple d’absorption hépatique), qui y est fixée en subissant le changement de couleur qui s’observe dans le feuillage en automne, et qui est retenue par les cellules du foie avec une opiniâtreté telle que plusieurs mois de jeûne ne suffisent point à les en débarrasser.

La cellule hépatique, en résumé, possède donc une aptitude remarquable à saisir et fixer les matières colorantes telles que la ferrine, le choléchrome et la chlorophylle végétale. C’est là une faculté exceptionnelle chez les cellules vivantes. Elle est caractéristique de l’élément du foie. Elle explique l’existence de la coloration spécifique de cet organe. — On peut dire que le premier chapitre de l’étude de la fonction pigmentaire est maintenant achevé. Pour en compléter la connaissance, il restera à rendre compte de la constance de cette pigmentation cellulaire et de ses effets.