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instrument de guerre civile et de révolution sociale. Ces derniers ont raison. Ils jugent bien. Ils ne sont point dupes. Ils comprennent à merveille que l’impôt sur le revenu, tel qu’ils le présentent, tel qu’il est nécessairement par définition exacte, deviendrait inévitablement, dans une société comme la nôtre, le plus efficace et le plus redoutable engin de destruction sociale et de tyrannie politique. C’est pourquoi ils le veulent. C’est pourquoi nous le devons combattre comme un des pires fléaux qui menacent la France.

Les apologistes de l’impôt sur le revenu sont fort habiles à répandre leur idée ; ils flattent merveilleusement les passions publiques, en présentant le système comme une nouveauté, comme un progrès, comme une mesure démocratique, si bien que les esprits routiniers, réactionnaires, les ennemis du peuple, pourraient seuls le repousser. Ils invoquent aussi l’exemple des pays étrangers, faisant honte à la France de n’avoir pas encore adopté une institution dont se réjouissent l’Angleterre, l’Allemagne, tous les grands peuples. Rien de cela n’est vrai. En réalité, l’impôt sur le revenu est une des vieilleries les plus fripées de la défroque législative historique ; un retour aux pires abus, une cause de ruine ; un danger plus menaçant encore pour les pauvres que pour les riches. Enfin il n’existe ni en Angleterre, ni en Allemagne, ni même en aucun grand pays, dans les conditions où il fonctionnerait chez nous. Les explications suivantes le prouveront.


I

D’abord qu’est-ce que « l’impôt sur le revenu ? » La question n’est pas oiseuse : que de gens sont dupes d’illusions à cet égard et d’une lettre mise en sa place ignorent le pouvoir !

L’impôt sur le revenu, — qu’il faut soigneusement distinguer de l’impôt sur les revenus, car jamais singulier ne différa tant de son pluriel, — est un impôt essentiellement personnel, individuel, nominal, établi sur chaque contribuable particulièrement considéré, d’après le total de tous ses revenus. Il implique donc la détermination exacte, annuelle, de la situation financière de tous les habitans d’un pays. C’est l’inventaire individuel, universel, obligatoire, et non gratuit.