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maisons est un impôt sur les revenus, et non pas un impôt sur le revenu.

Ainsi, dans le cas de l’impôt sur les revenus, le fisc cherche la matière imposable et la frappe directement sans vouloir connaître à qui elle appartient. Vous possédez dix maisons, chacune dans une ville différente : chaque maison est imposée séparément là où elle est, sans que nulle question vous soit faite, sans que personne songe à récapituler le produit total de vos dix maisons, le revenu de vos capitaux, les bénéfices réalisés dans l’exercice de votre profession, pour vous frapper, vous personnellement, à votre domicile, en inscrivant votre nom sur une liste nominative des contribuables, avec l’indication de votre revenu total.

Au contraire, dans le cas de l’impôt sur le revenu, le fisc cherche le contribuable lui-même, personnellement considéré. Il dit à chacun : « Quel est le total de votre revenu, en valeurs mobilières, en maisons, en terres, en prés, en vignes ? Quelles sont vos valeurs ? Où sont vos immeubles ? Quelles sommes gagnez-vous chaque année par votre travail, par votre profession, par votre commerce, par votre industrie ? En un mot, quel est le total et la composition de toutes vos ressources, de quelque nature qu’elles soient, de quelque part qu’elles proviennent ? »

Puis, suivant les réponses, suivant les calculs que le fisc établit lui-même, il fixe l’impôt, dont le taux, même dans le projet de M. Rouvier, varie avec chaque catégorie, de contribuables arbitrairement établie. Si bien que la même « chose, » Je même « objet, » sont plus ou moins imposés suivant qu’ils appartiennent à tel contribuable ou à tel autre !

On aperçoit aisément la différence profonde entre les impôts sur les revenus qui sont des impôts réels, — c’est-à-dire sur les choses considérées en elles-mêmes, indépendamment de celui qui les possède, — et l’impôt sur le revenu, qui vise uniquement et directement l’individu, la personne, le citoyen dont il faut établir la situation financière, pour le traiter ensuite d’une façon particulière, spéciale, et par conséquent arbitraire, suivant le caprice du législateur.

Cette vue nettement dégagée, tout va s’éclairer, car tout découle de ce fait que l’impôt sur le revenu s’adresse individuellement à chaque contribuable afin d’établir l’ensemble détaillé, complet et annuel de toutes ses ressources.