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injustes et autres instrumens d’oppression, » pouvait être considérée comme le type des plus insupportables droits féodaux. Elle continuait simplement l’antique impôt romain sur le revenu mais le continuait sans texte, sans règle, au gré de chaque seigneur ; l’abus était plus franc ; l’arbitraire était dépouillé de ses formes savantes, se montrait tout nu.

Le roi faux monnayeur était fort habile homme, entouré des légistes les plus avisés : son coup d’essai fut un coup de maître. Le nouvel impôt, essentiellement personnel, était assis à la fois sur le revenu et le capital, pour ne rien manquer. Les capitaux, ne produisant pas de revenu, mais seulement une jouissance, étaient directement frappés. Toute personne réalisant un gain, un bénéfice, soit par son travail manuel, soit par un commerce, une profession, un métier quelconque, ou possédant des biens, des capitaux, des créances produisant des revenus, devait déclarer le montant total de ces gains, salaires, bénéfices, revenus, qui étaient frappés d’un impôt variant de 6 deniers pour 100 sols à 20 livres pour 1 000, suivant l’importance du revenu. L’impôt progressif n’avait déjà plus de mystère pour Philippe le Bel. Tout le monde était astreint à faire la déclaration de ses biens et revenus, sous la foi du serment prêté sur l’Evangile, devant les gens du roi.

L’ingéniosité des ordonnances de 1294 et de 1295 ne les sauva pas de l’échec. Modifiées, adoucies en 1303, en 1304, il fallut y renoncer complètement en 1314, en présence de l’hostilité universelle des populations : déjà la Ligue des Contribuables !

L’honneur d’introduire définitivement dans la législation de l’ancien régime l’impôt sur le revenu était réservé à Charles VII. On peut en effet considérer comme la Charte de l’impôt sur le revenu le célèbre édit du 2 novembre 1439 sur « l’établissement d’une force militaire à cheval et sur la répression des vexations de gens de guerre, » qui contient aussi les dispositions les plus importantes en matière de finances. Jusqu’alors la taille avait été un impôt féodal, seigneurial, plus encore qu’un impôt royal ; lorsque les rois voulaient mettre une taille sur leurs sujets, ce n’était que par accident, pour ainsi dire, et avec le consentement des États généraux. C’est ainsi, par exemple, que les Etals tenus à Bourges, en janvier 1422, avaient autorisé une taille générale, qui ne fut pas renouvelée par les États suivans, lesquels accordèrent les subsides sous une autre forme. Par les articles 41 à 46