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Ce dimanche 10 février 1839.

« Mes chers amis,

« J’espère que ces maladies auront un peu cessé et que peut-être votre hiver est comme le nôtre, finissant. Il me tarderait de le savoir. Sans être malade, je suis aussi empêché que possible par la quantité d’occupations et de pensées qui font siège alentour. Notre situation ici est plus embrouillée que jamais, et il m’est impossible de n’y pas songer beaucoup. Je n’ai jamais été si désintéressé ni si complètement éteint sur la passion politique, mais je n’en vois qu’avec plus d’intérêt, de curiosité et de dégoût tout ce qui se passe, tout ce qui remonte : le fond du vase est en jeu. Je travaille à travers cela à Port-Royal, avec lenteur toutefois, bien que je tienne mon serment.

« La publication que médite M. Eynard pourrait avoir de l’intérêt : Madame de Genlis est usée ici, elle a tant publié ! M. de Montesquiou n’a jamais été usé, ni même connu autre part que dans un certain monde dont il était l’oracle. Mais, indépendamment des deux principaux personnages, il doit y avoir un trésor intéressant dans cette correspondance ; si, lorsqu’elle paraîtra, je suis ici, j’y aiderai de grand cœur par quelque article un peu développé.

« Il n’y a aucun moyen d’avoir le Joubert qui n’avait été tiré qu’à 150 exemplaires : il faut attendre, on prépare une seconde édition plus complète, qui paraîtra d’ici un an. Nous ne la manquerons pas. Je n’ai pu encore savoir avec précision la liste des publications de Saint-Simon et de Fourier, ce qui n’est pas peu de chose : il faut que je me fasse donner cela par quelqu’un de compétent. Encore ce qu’il y a de plus curieux en fait d’ouvrages primitifs de l’un et de l’autre ne se pourra procurer, je le crains. Leurs écoles ont reproduit les ouvrages plus dogmatiques et qui servaient leurs vues de prédication ; mais les ouvrages les plus propres à faire connaître les génies dans leur jet original, tels que la Théorie des quatre mouvemens de Fourier, et l’Introduction à la philosophie du XIXe siècle de Saint-Simon, sont devenus introuvables.

« Muston m’a fait remettre l’autre jour un petit volume de vers où, parmi force hiatus et des fautes de français assez nombreuses, je trouve un parfum franc. Ce petit quatrain m’a transporté :