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puissances au commencement du XXe siècle. L’idée du désarmement jure évidemment avec les tendances politiques des États modernes.

Un fait remarquable prouve pourtant la possibilité d’une coïncidence des tendances idéalistes vers le désarmement et la paix permanente entre les nations, avec les actes les plus positifs de la politique d’une grande puissance. Ce fait est la conférence internationale de La Haye, convoquée en 1899 sur l’initiative généreuse de l’empereur de Russie, afin de mettre des limites aux entraînemens des États dans le domaine de leurs arméniens. Dans l’histoire de la civilisation, la conférence de La Haye occupera toujours une place des plus honorables, parce que le souverain d’une grande et puissante nation y a proclamé, devant l’univers entier, la nécessité pour les gouvernemens de tenir compte des aspirations et des vœux des peuples, et d’essayer de garantir les bases d’une paix solide entre eux par une diminution des forces militaires. Quoique le but très noble de la conférence de La Haye n’ait pas été atteint, — les États ayant refusé de prendre un engagement quelconque relativement à la non-augmentation de leurs armées et de leur flottes, — il n’en est pas moins incontestable que le manifeste impérial du 12 août 1899 restera à jamais comme un monument historique qui témoigne d’un magnanime effort pour mettre les vœux légitimes des nations en harmonie avec les tendances pratiques de la politique.

D’ailleurs, si la conférence de La Haye n’a pu aboutir à une limitation des forces militaires des États civilisés, elle a certainement donné l’impulsion la plus vigoureuse à tous les efforts dirigés, dans l’ordre des relations internationales, vers une meilleure organisation de la vie pacifique et normale entre les peuples. Jamais la propagande de l’arbitrage en vue de résoudre pacifiquement les conflits entre nations n’avait fait autant de conquêtes qu’à présent ; jamais l’union des forces, jusqu’alors isolées, d’hommes appartenant à différentes nations n’avait mieux préparé le triomphe de cette idée ; et jamais l’arbitrage international n’avait remporté de plus brillantes victoires sur le mauvais vouloir de ses adversaires obstinés.

Les circonstances étant telles, il n’est pas étonnant que la conférence de La Haye ait ramené l’attention sur les combinaisons qui ont pour objet le progrès de la vie pacifique des nations. Entre toutes ces combinaisons, l’idée de la neutralité